Après un Iron Man 3 que j’aime bien (si si !) mais dans lequel le réalisateur n’avait pas eu grand-chose à mettre de personnel, Shane Black revient aux fondamentaux (les siens) avec THE NICE GUYS (présenté hors compétition à Cannes). A savoir la comédie d’action référentielle et délirante, à l’image de son génial et culte Kiss Kiss Bang Bang. Et, donc, de ses débuts de scénariste sur L’Arme Fatale, Last Action Hero et autres Dernier Samaritain, qui ont fait sa renommée à la fin des années 80 / début des années 90.
J’attendais donc de pied ferme le film, notamment à l’aune de la comparaison inévitable avec KKBB. On peut dire que les deux films sont très proches, à la fois dans l’esprit et la lettre ; même si The Nice Guys est moins « méta » que son prédécesseur. Moins ouvertement, en tout cas : il n’y a plus cette fois de personnages qui s’adressent à la caméra et/ou qui décortiquent le processus du film en direct, la voix-off n’intervient qu’au début et à la fin... Mais l’esprit revival est bel et bien toujours présent. Reconstitution d’une époque (le Los Angeles de la fin des années 70) et d’un milieu (l'âge d'or du cinéma porno - on n'est parfois pas très éloigné de Boogie Nights, et plus généralement le petit milieu fermé de Hollywood). Mais aussi un film « à la manière de », comme pouvait l’être KKBB. En l’occurrence, il s’agit de « refaire » une comédie d’action comme dans les années 80, un vrai buddy movie à la fois drôle et violent, dans l’esprit de l’époque entièrement tourné vers un pur plaisir direct.
Et c’est la plus grande réussite du film, cette impression de visionner une vieille VHS sur le magnétoscope des parents (mais avec la patine visuelle du cinéma des années 2010). Et d’y prendre le même pied intégral. Shane Black est ici à nouveau associé au producteur Joel Silver – la paire étant responsable de certains des plus grands succès et des plus grandes réussites du cinéma d’action de la grande époque. Et ils retrouvent ici les recettes magiques qui faisaient le prix de leurs meilleurs films.
Pour continuer la comparaison avec le précédent grand film de Black, j’ai trouvé ce nouveau film un chouïa moins bon. Ce qui ne veut pas dire grand-chose : KKBB fait partie de ces films relativement récents qu’on ne cesse de revoir chez les DianoPhil et qui est chaque fois meilleur. Nul doute que celui-là atteindra le même niveau au fil des revisionnages futurs et constants !
L’histoire démarre de la manière la plus classique, autour de la mort d’une starlette du porno, d’un détective privé chargé de retrouver une jeune fille disparue, d’un autre mec un peu paumé qui se fait payer pour dérouiller des malfaisants ; l’enquête des deux héros (et de la fille du détective) les amenant à mettre au jour une machination bien plus importante qu’il n’y paraît. C’est à peine moins abracadabrantesque que le scénario de KKBB (disons que là, on comprend au moins à peu près ce qu’il en est à la fin !), mais on est dans le même type d’imbroglio et de révélations plus ou moins volontaires.
The Nice Guys est plus clairement orienté vers la comédie, et, de fait, on y rit énormément. L’humour y est aussi plus épais que dans les films écrits et réalisés par Black, plus « slapstick » et moins référentiel. On y rigole avec le détective qui n’arrête pas de se bourrer la gueule ou de tomber de partout – extraordinaire scène d’action finale où il marche au milieu des balles, se prend une voiture, tombe, se relève, repart, se prend un mec, se cogne dans les murs, se relève toujours… On y rigole avec son comparse qui distribue des beignes et des bons mots à tout bout de champ. On y rigole du regard biaisé sur l’industrie du porno et les habitants de Los Angeles qui vivent sur une autre planète. On y rigole aux quiproquos invraisemblables et aux péripéties délirantes qui jalonnent le parcours chaotique des deux losers en charge de l’enquête.
On y rigole parce que la fille de 13 ans qui s’incruste dans les aventures de papa est bien plus futée, intelligente et débrouillarde que ces deux crétins d’adultes qui sont censés veiller sur elle. J’ai lu sur le forum de Mad qu’elle faisait un peu penser au personnage de Sophie dans Inspecteur Gadget, et c’est exactement ça ! Jusque dans le fait que c’est finalement presque elle toute seule qui résout toute l’énigme du film.
Mais ce qui rend le film encore plus fort (et qui, là encore, était déjà présent dans KKBB – peut-être à une moindre échelle), c’est que l'aspect comique au centre du film est constamment contrebalancé par des scènes de violence sèche qui glacent le sang. Les fusillades et bastons du film, assez peu nombreuses, font toujours très mal (
- Spoiler:
- le cadavre du producteur porno, le mec qui se fait tirer dessus dans le hall de l’hôtel, le cadavre éclaté de Keith David…
C’est une constante dans l’écriture de Black depuis ses débuts : lorsqu’il s’agit de questions de vie ou de mort, plus question de rigoler. Qu’on se rappelle de la scène de son film précédent où Robert Downey Jr se mettait soudainement à tirer froidement sur un des méchants du film… La violence, ici, est sale et méchante ; tout en étant révélatrice de l’évolution des personnages tout au long de l’histoire. Elle a aussi une forte fonction narrative – voir par exemple
- Spoiler:
- la scène de la mort d’Amélia ou le coup de Russel Crowe qui achève le méchant écrasé sur la route
Sur cette partition aux petits oignons, le duo Ryan Gosling / Russel Crowe fonctionne à merveille – surtout le premier, qu’on (re-)découvre dans un rôle bien éloigné de l’autiste énigmatique chez NWR et dans son propre film, ou du bellâtre banal. La jeune australienne Angourie Rice (quel prénom étrange !) est elle aussi excellente en fillette débrouillarde et délurée, à des années-lumière des gosses énervantes du cinéma américain. Et, comme le film se déroule en partie dans le milieu du porno, c’est aussi plaisir des yeux à plusieurs reprises (j’ai découvert ici l’existence de Murielle Telio ou Yvonne Zima, et j’en suis bien content )
Si on y ajoute une direction artistique somptueuse (décors, costumes – tout concourt à nous immerger complètement dans la période de l'action), de la bonne musique qui pète (que ce soit la partition orchestrale de John Ottman ou les standards seventies de la bande-son) et une réalisation fonctionnelle mais carrée et efficace…
tout concourt à faire de The Nice Guys une petite bombe qui file la banane et sur-stimule le spectateur (comme Kiss Kiss Bang Bang, quoi, rien de bien original, et c’est tant mieux) !
Dernière édition par Phil le Jeu 18 Oct - 11:33, édité 1 fois