Par une coïncidence comme il en survient parfois dans le monde du cinéma (remember
Argameddon vs
Deep Impact), débarquent sur nos écrans à une mois d’intervalle deux films comparables, aux titres originaux très proches eux-mêmes. A savoir
World’s End d’Edgar Wright (chroniqué ici :
https://thexphil.forumactif.org/t185-pegg-frost-wright-les-geeks-anglais), et ce
This is the End d’Evan Goldberg et Seth Rogen.
Deux films dans lesquels j’avais place beaucoup d’espoir, chacun étant l’œuvre d’une bande de gens que je suis depuis des années et qui m’ont quasi toujours enthousiasmé. Deux films de geeks, ultra-référentiels (à la culture populaire et aux univers développés par les bandes en questions), misant sur un mélange d’humour et de SF… Après visionnage des deux, c’est peu de dire que l’avantage tourne du côté des anglais (et de loin)… mais en plus,
C’est la Fin (pour une fois qu’ils traduisent le titre original, ça rend mal) est une grosse déception, pas loin du ratage. Arf…
Pas le ratage totalement merdeux et pathétique… juste le truc qui tombe à côté de ses intentions et s’avère poussif et laborieux. D’habitude, les membres de la bande à
Apatow, tous réunis ici dans un joyeux bordel, savent marcher en équilibre entre le pur délire potache et une certaine justesse de ton qui a la fois excusent les moments où ça part en vrille et les justifient même dans l’ensemble des films. Là, le film sonne comme une grosse récré où tout l monde se vautre dans sa propre caricature – et ça tourne très vite en rond. C’est marrant 5 minutes de voir les acteurs jouer leurs propres rôles en confortant les stéréotypes qu’ils incarnent dans
Pineapple Express et autres. C’est marrant 5 minutes de plus de se regarder le nombril en jouant de l’opposition entre le cinéma et la réalité. C’est marrant 5 minutes encore quand l’apocalypse survient et que le jeu de massacre commence. On peut même trouver intéressant certaines scènes et certains dialogues où
James Franco ou
Seth Rogen s’interrogent sur leurs relations et l’image qu’ils donnent d’eux auprès du public.
Sauf qu’après ça, le film se vide de toute substance ; on en a fait le tour en 15 minutes, donc – et ce qui reste ne fait qu’aligner les séquences sans intérêt, en pilotage automatique. On se doute bien que tous ces potes étaient très contents de se retrouver et de s’éclater ensemble sur le tournage. Malheureusement, à part se dire « tant mieux pour eux », on s’en branle complètement. En alignant pied au plancher les séquences de beuverie, les fumages de joints, les vannes à deux balles, le caca-prout, le faux politiquement incorrect – sans aucun liant entre tout ça, on aboutit à une mécanique qui tourne à vide. Et surtout, c’est absolument pas drôle (à 2-3 gags près et quelques répliques qui font mouche, évidemment – ils ont pas perdu tout sens de la répartie quand même) tant ça semble forcé. Un comble !
Et plein de fausses bonnes idées (le personnage de « méchant » de
Danny Mac Bride qui ne fonctionne pas) ou de trucs pas menés jusqu’au bout (les gags autour d’
Emma Watson, sacrifiée).
Par contre, il y a aussi des trucs qui font mouche, comme les personnages de
Michael Cera (terrible !) et
Jonah Hill. En même temps, ça reste assez déstabilisant, parce que ces deux là sont les seuls à être à l'opposé de ce qu'on attend d'eux - et ça devient une sorte d'aveu d'impuissance par rapport au concept du film.
Le pire, peut-être, se retrouve dans un début de "
Rogen/Apatow bashing" qui commence à fleurir sur certains forums et dans certaines critiques à la suite de ce film. Sur l’air de « ah bon, c’est ça, le renouveau de la comédie US qu’on nous vante depuis 10 ans ? super… ». De fait, les acteurs/personnages tels que décrits ici finissent par devenir antipathiques, agaçants et sans intérêt. Comme si, en poussant jusqu’au bout la logique de leurs comédies précédentes, ils finissaient par s'auto-consumer et par détruire l'alibi qui les sous-tendait jusque là.
Au-delà du fait que le film est raté – mais pas complètement mauvais pour autant – il pose donc avant tout un problème quant a son positionnement au sein d’un courant important du cinéma américain actuel. Il ne reste plus qu’à espérer qu’on ne voit pas ici l’acte de décès d’un style de comédies qu’on a pu tant aimer jusqu’alors (voir par exemple
This is Forty sorti en mars dernier, et qui est quand même carrément d’un autre calibre !).