Comme beaucoup de ses films, le dernier né de Roman Polanski, LA VENUS A LA FOURRURE, est un fil très personnel – bien qu’il n’y paraisse pas forcément au premier abord.
Sur la forme, déjà. Resserrant encore plus le principe de huis-clos à la base de son cinéma, il passe de la maison tentaculaire de Ghost Writer à une simple scène de théâtre ; et des deux couples de Carnage à 2 personnages qui vont s’affronter pendant 1h30.Sur un argument simplissime – une actrice vient pour l’audition d’une pièce et va jouer peu à peu avec le metteur en scène – il empile les différents niveaux de mise en abyme et impose la puissance et la virtuosité de sa mise en scène. Il se livre ici aussi pleinement à son sens du grotesque et à sa dissection des relations humaines, via les motifs récurrents du sado-masochisme et de la domination.
Sur le fond, c’est encore plus évident ; c’est même presque le trop-plein des obsessions du réalisateur et de l’homme public. Qui transforme Mathieu Amalric en sosie de lui-même dirigeant sa vraie femme dans le rôle d’une actrice vulgaire peu à peu déifiée. On y parle de la relation entre un despote et son actrice, de mise en scène, de liens entre la création et la réalité – ce qui entre en plus en résonnance avec certaines questions du moment. Il est aussi évidemment question des rapports entre les hommes et les femmes, du pouvoir que celles-ci peuvent avoir, de l’opposition entre les visions misogynes et féministes… de grands débats ont d’ailleurs accueilli le film, quant à son regard sur les femmes – sujet évidemment hautement radioactif dès qu’on parle de Polanski, d’autant plus en mettant Emmanuelle Seignier au premier plan et en la faisant passer pour une salope manipulatrice. Après coup, c’est vrai que je ne suis pas capable de dire de quel côté penche le film ; et c’est à mon avis ce qui fait sa force. J’y vois surtout le regard totalement cynique et ironique de Polanski, qui non seulement s’amuse avec sa matière, mais prend aussi un malin plaisir à brouiller les pistes pour la critique et les spectateurs – et je le soupçonne d’avoir constamment ri sous cape pendant le tournage et le montage en se disant qu’il allait encore provoquer un emballement sans fin.
Reste que, au-delà de moments vraiment étourdissants, le film n’est pas complètement réussi pour ma part. Il souffre notamment d’un rythme défaillant, et connaît le problème de beaucoup de films pleins comme un œuf : sur la multitude d’idées, de thèmes, de répliques qu’on y trouve, tout n’atteint pas son but. Certains trucs tombent à côté, et donnent l’impression d’un film qui n’offre que le sentiment de maîtrise totale, cachant en fait un gros bordel pas très organisé.
C’est suffisamment réjouissant et stimulant pour qu’on passe un bon moment et qu’on se prenne souvent au jeu du réalisateur (et M’ame Polanski est ultra-bombesque) ; mais c’est loin de ce qu’il peut nous offrir de mieux.