A intervalles réguliers, l’inaltérable Disney s’offre une petite crise de nerfs plus ou moins bien maîtrisée. Il y a deux ans, l’échec de John Carter, d’Andrew Stanton, avait conduit à la démission Rich Ross, patron de la branche cinéma, qui s’était hissé au sommet avec Hannah Montana ou High School Musical.
Accrochages. Cette année, par une annonce glacée, Jerry Bruckheimer a mis un terme à sa longue collaboration avec l’empire Disney (27 films) et plombé l’ambiance. Le producteur américain, 70 ans depuis le 21 septembre, a affirmé qu’il prendrait prochainement du recul afin, dit-il, «de produire des films plus adultes que ceux fabriqués par Disney». On peut trouver que l’argument ne manque pas de pertinence, mais il est amusant qu’il soit formulé par celui qui, au cours des vingt dernières années, a justement été celui qui a défini les critères et les contraintes des films les plus lucratifs de la firme aux grandes oreilles. L’homme à qui le cinéma, et TF1 pour ses films du dimanche soir, doivent Flashdance, Top Gun, les Flic de Beverly Hills, Bad Boys, Rock ou encore la Chute du faucon noir quitte donc le navire, non sans laisser à la postérité un cinquième volet de Pirates des Caraïbes, la licence la plus opulente de l’histoire de Disney, ainsi qu’un troisième Benjamin Gates, si la moumoute de Nicolas Cage est convenablement collée. Après la sortie de ces deux rouleaux compresseurs du box-office, en 2015, c’en sera terminé du tandem Disney-Bruckheimer.
En dépit des déclarations sur l’air de «on se quitte bons amis», il est difficile de ne pas interpréter le départ de Bruckheimer comme la conséquence directe des résultats médiocres de Lone Ranger, le blockbuster estival de Disney. Le film, dont le tournage avait été émaillé de multiples accrochages entre Bruckheimer et le studio, au point de différer la sortie du film d’un an, est resté loin derrière les Iron Man 3, Moi, moche et méchant 2 et Fast & Furious 6, grands vainqueurs d’un été américain sans pitié. Les recettes mondiales de Lone Ranger, avoisinant les 240 millions de dollars (pour un budget estimé à 225 millions), ne mettent certes pas le studio en péril, mais il est déjà établi que le film ne fera pas l’objet d’une suite et encore moins d’une licence. Pas du tout la philosophie maison. D’autre part, à partir de 2015, Disney devrait consacrer une large partie de ses efforts de budget et de marketing à la saga Star Wars, dont le studio a racheté les droits l’an dernier. Un premier long métrage est dans les tuyaux, avec JJ Abrams aux commandes. De là à imaginer que les produits Bruckheimer ne sont plus en odeur de sainteté…
Pilier. Quant au producteur, pas d’inquiétude, il est encore loin de la déchéance et de la banqueroute. Hormis les cartons phénoménaux obtenus sous la bannière Disney, Bruckheimer est aussi un pilier de la télévision, remportant des succès d’audience monstrueux avec des séries comme les Experts, FBI portés disparus ou Cold Case. En cette rentrée, sa nouvelle série, Hostages, est d’ailleurs l’une des plus attendues. Mais sa martingale reste encore la télé-réalité, avec l’ahurissante longévité d’Amazing Race, émission qui suit les aventures d’une douzaine de personnes au cours d’un voyage périlleux à travers tous les continents. Amazing Race entame sa 22e saison.
(source : Libé)