C’est devenu l’histoire d’un échec récurrent. Pourtant, Terry Gilliam refuse de tourner la page. Le réalisateur britannique l’a annoncé mardi au quotidien italien la Stampa : Don Quichotte, c’est reparti. Le film a même une date et un lieu de tournage, «à partir du 3 octobre dans les îles Canaries». De quoi déclencher l’enthousiasme des fans et la perplexité des autres. Après tout, avoue le réalisateur de Brazil,«j’en suis au moins à sept tentatives».
Dire que le roman de Cervantes a intéressé Terry Gilliam dès les années 90 est un euphémisme. Il l’a littéralement dévoré. Le Monty Python y trouve tout ce qu’il aime : la réalité mêlée à la folie, comme en témoigne Lost in La Mancha (2002), documentaire racontant l’échec du tournage de la première version du Quichotte de Gilliam. Après plusieurs faux départs, un financement européen avait en effet permis de lancer l’Homme qui tua Don Quichotte. Trente-deux millions de dollars mis sur la table et un casting franco-familial (Jean Rochefort, Johnny Depp, Vanessa Paradis). Le tournage commence à l’été 2000 et sera l’archétype du cauchemar de tout réalisateur : une tempête emporte les décors dans un torrent de boues ; des avions de chasse ne cessent de passer au-dessus des têtes des acteurs ; Jean Rochefort se blesse… «Tout ce qui pouvait foirer a foiré», résumera Nicolas Pecorini, le chef opérateur. Au bout de seulement quelques jours de tournage, la production s’arrête. Le film est abandonné mais ouvre une voie royale pour son making-of, Lost in La Mancha, donc, documentaire tragicomique, par la force des choses, qui sortira en salles et transformera ce désastre un succès public et critique.
Alors que Jean Rochefort tombe en dépression, Terry Gilliam reste déterminé. Il annonce en 2005 que c’est Johnny Depp qui reprendra le rôle de Jean Rochefort. Quant au rôle initialement tenu par Depp… Celui-ci lâche Gilliam en 2009 pour cause «d’emploi du temps surchargé». Le réalisateur caste Robert Duvall et Ewan McGregor un an plus tard, avant de déclarer que «tout est prêt, il y a juste un problème financier». Et le projet de retomber à l’eau. «Ma vie se résume à courir après l’argent, pas à faire des films», déclare laconiquement le Monty Python au Los Angeles Times en 2011.
Plusieurs rumeurs circulent ensuite, dont une selon laquelle Johnny Depp développerait sa propre version sans Terry Gilliam - mais avec Disney, le traître. Il y a quelques jours, dernier rebondissement et nouvel espoir : «Les financements arriveront d’une petite société de production espagnole, précise Terry Gilliam. Quant à l’acteur principal, ce ne sera pas Johnny Depp, mais un autre acteur américain.» Une manière peut-être d’en finir avec ce projet et d’arrêter de se battre contre des moulins à vent.
(source Libé)