Difficile de pointer du doigt les évolutions et les changements dans le nouvel album d’un groupe qui n’a cessé d’évoluer depuis ses débuts, et qui n’a jamais livré jusque là un album identique aux précédents. Néanmoins,
HYMNS est bien le symbole d’une réorientation radicale de
BLOC PARTY, après le départ de la moitié du groupe ces dernières années (dont on ne saura jamais à quel point il aura été volontaire ou forcé par le despote Kele).
En renouvelant sa section rythmique, c’est une véritable révolution qui guettait le groupe. Car la partie basse-batterie a toujours été la colonne vertébrale qui faisait de BP sa spécificité ; à travers les structures souvent chaotiques de leurs chansons. La conception de ce cinquième album s’est donc resserrée autour du duo
Kele Okereke / Russel Lissack. Et on imagine bien que les deux compères s’en sont donné à cœur joie composer tranquillement et sans interférences ces nouvelles chansons, en grande partie débarrassées du passé.
On n’assiste pas pour autant à un reniement des 4 premiers albums du groupe – dont on retrouve finalement la plupart des éléments. Y compris les structures de chansons cabossées.
Parce que, finalement, les albums précédents avaient toujours brassé tout un tas d’influences les plus diverses. On pouvait craindre que Kele profite de ce changement de line-up pour transformer
Bloc Party en annexe de ses projets solo électroniques (crainte encore plus forte à l’écoute du premier single, très bon mais très électro). Il n’en est rien (heureusement !). Au contraire, les influences sont des plus diverses (rock et électro, donc, mais aussi gospel, blues, funk, new wave ou même pop à la mode)… comme toujours, du coup.
L’influence la plus forte du chanteur/guitariste n’impacte finalement pas vraiment la musique, mais les paroles et l’ambiance « mystique » de l’album. On n’est pas loin en effet de l’album-concept tournant autour des questions de croyances et de foi (au sens le plus général des termes). Une collection de chansons aux thématiques plutôt sombres, où mêmes les quelques chansons d’amour (ce thème éternel) tournent beaucoup autour de la douleur et de la séparation.
C’est donc plutôt un disque misant sur les ambiances, avec quelques éclairs plus rock ou pop, qui viennent un peu briser le calme et la lenteur de l’ensemble.
L’album commence très fort, avec l’enchaînement de 4 excellentes chansons :
The Love WithinHymns s’ouvre donc sur le premier single entendu il y a quelques mois, un morceau purement électronique, dans la lignée du désormais classique du groupe
Flux. Comme celui-là, il faut une période d’adaptation, pour s’habituer à la bizarrerie de la chose. D’autant que le groupe brouille sans cesse les pistes, notamment en utilisant des effets de pédales sur les guitares pour les faire ressembler à des synthés. Mais après plusieurs écoutes, l’évidence s’impose : c’est une très grande chanson de BP. Et, même, un morceau symbolique de tout ce qu’on peut aimer chez eux, à la fois très expérimental et bâti sur les fondations les plus solides du rock (la basse du nouveau venu
Justin Harris déchire tout). Irrésistible.
Only He Can Heal MeOn reste dans une mouvance électronique avec cette chanson qui se rapproche néanmoins plus d’autres morceaux connus du groupe (toute la fin de l’album
Intimacy par exemple). Le rythme est plus posé, mais encore assez soutenu ; par la répétition des chœurs scandant le titre tout au long de la chanson notamment. La progression de la chanson est superbe, jusqu’à un solo de guitare et les délires synthétiques qui la terminent. Encore une belle alliance de simplicité et de complexité, pour un résultat envoûtant.
So RealSur scène, on a vu Kele se mettre derrière un synthé type Hammond pour cette chanson étonnante qui montre l’étendue du spectre d’influences de l’album. Ici, une sorte de ballade un peu funky, un peu blues, du plus bel effet. Toujours une chanson mid-tempo, à la fois entraînante et nostalgique. Encore ré-haussée par le chant de Kele, plaintif et triste, apportant un contrepoint à ce qui pourrait presque paraître joyeux autrement.
The Good NewsPeut-être ma chanson préférée de l’album, en tout cas une des meilleures à mon avis. Ça part sur une rythmique blues-rock solide et accrocheuse, un trio classique guitare/basse/batterie et une voix lumineuse tout droit sortis d’un bayou chaud et humide. Puis, le refrain accentue encore l’atmosphère roots, avec sa slide guitar et ses chœurs gospel. Une pure merveille, qui n’a qu’un défaut : celui d’être beaucoup trop court ! Lorsque la musique s’arrête net au bout d’à peine 3,30 minutes, c’est ultra frustrant, tant on voudrait que ça dure encore des heures comme ça
Après cette entrée en matière flamboyante, on doit malheureusement se fader la partie la moins intéressante du disque… même s’il y a quand même une excellente chanson dans le lot (que j’aurais préférée en cinquième ou neuvième position, du coup !) :
FortressChanson qu’on croirait sortie d’un album solo de
Kele Okereke, reposant sur sa voix (toujours magnifique, là n’est pas la question) et des nappes de musique électronique. Un petit slow pas désagréable, certes, mais quand même un peu chiant.
Je sens bien que je vais souvent appuyer sur le bouton « avance rapide », pour passer directement à
Different DrugsUne autre chanson lente, atmosphérique et planante…. Mais bien plus réussie ! Parce que beaucoup plus dense, utilisant de vrais instruments (la batterie martelée sans pitié, la guitare dont
Russell tire une plainte déchirée et déchirante) en plus des machines (la fin explose dans des effets électroniques et du vocoder sur la voix). La chanson propose une montée en puissance qui saisit petit à petit l’auditeur, et parvient à l’amener dans son univers, là où la précédente le laissait toujours sur le bas-côté (moi, en tout cas). C’est magnifique – et on tient là aussi une sérieuse candidate au titre de « meilleure chanson de l’album ».
Into the Earth et
My True NameMouof. La première est une chanson pop sans grande imagination, dont le refrain joyeux est presque douloureux. La deuxième est sur le même moule, mais plus écoutable (parce que plus dark ? sûrement) – les couplets sont mêmes très bien ; malheureusement, comme dans la plupart des chansons, il y a aussi un refrain.
Allez, on revient vite aux choses sérieuses pour terminer l’album :
VirtueEncore une très bonne chanson pop-rock, dans la lignée de celles du début de l’album. L’exemple typique du travail bien fait, où tout colle bien comme il faut : l’enchaînement couplets/refrains qui coule tout seul (contrairement aux deux trucs d’avant), la ligne rythmique solide et efficace (à ce propos, c’est surtout la basse qui est mise en avant sur le disque – au moment de l’enregistrement,
Louise Bartle n’avait pas encore intégré le groupe et la batterie est un peu négligée – les nouvelles chansons rendant mieux en live de ce point de vue), le chant aérien… Et puis, il y a cette putain de ligne de basse après le refrain qui rappelle
New Order, et me scie les jambes à chaque fois ! En plus de NO, ça me fait globalement penser du
The Cure dans sa veine pop – autant dire que c’est du tout bon !
ExesOn avait entendu cette chanson très tôt, lorsque le groupe avait présenté son retour dans une nouvelle formation lors d’une émission télé anglaise. Et déjà, je m’étais dit qu’ils allaient nous revenir en forme et qu’on pouvait moins craindre pour son avenir. Non pas que ce soit une chanson explosive, c’est même tout le contraire : une belle ballade, douce et triste, émouvante et prenante. Avec là encore la présence des chœurs gospel qui élèvent encore l’intensité du morceau.
Living LuxEt l’album se termine un peu comme il a commencé, avec une chanson purement électronique. Sauf que, là où
The Love Within donnait envie de se remuer le cul, celle-là mise plus sur l’ambiance, et ferait plutôt chialer ! C’est assez classique pour le groupe (et il est loin d’être le seul) de terminer sur ce type de « chanson d’au-revoir », qui laisse l’auditeur sur un pic émotionnel et perché sur son petit nuage. Mission (encore une fois) largement remplie.
“L’album se termine”, disais-je ?
Pas dans son édition limitée, qui propose quatre chansons en bonus. Deux très bonnes, encadrant deux autres passables… à l’image de l’album, quoi :
EdenC’est par cette chanson que le groupe entamait sa courte série de concerts à la fin de l’année dernière… J’ai donc été surpris de ne pas la trouver sur le tracklisting de l’album dans sa version simple. D’autant que c’est un très bon morceau, qui aurait pu aussi débuter l’album, d’ailleurs. Il en a le schéma, avec sa progression impeccable. Et il en annonce le programme, mêlant ambiance synthétique poisseuse et rythmique en béton ; noirceur et volonté. Une autre chanson mortelle.
New Blood et
ParadisoNous rejouent le diptyque de chansons pas terribles plus haut. Sauf que, cette fois, la première (lente, relativement sombre, gâchée par un mauvais refrain) est meilleure que la seconde (une espèce de truc festif qui donne plus envie de se pendre que de s’amuser)
On peut sauter directement à la dernière :
Evening SongUn peu un copier/coller de
Living Lux – comme s’ils avaient voulu terminer leur album de la même manière dans sa version simple et dans sa version avec bonus ! Je ne redis donc pas que c’est beau, prenant, et que ça laisse sur une très belle impression !