Pas mal, cet article de Schneiderman
Ce week-end, pendant que vous baguenaudiez dans l'espoir de l'été, heureux mortels, que faisais-je ? J'échangeais des mails avec Jean Quatremer, correspondant de Libé à Bruxelles.
Autant vous le dire, j'aime bien Quatremer. On ne se fréquente pas dans le privé, mais je pense que la presse a besoin de journalistes bagarreurs, engagés comme lui (à condition que la petite escouade de bagarreurs soit pluraliste, évidemment). Ce qui n'empêche qu'on se frite parfois. On s'est déjà accroché une fois avec Quatremer. C'était à propos de l'affaire des charrettes roumaines. Déjà, en réponse à une de mes chroniques, il jurait que l'Europe n'y était pour rien, dans la fin des charrettes roumaines. Vu de près, ce n'était pas si clair. Mais bon. | |
Donc, rebelote dans le numéro de "l'Europe n'y est pour rien" : Quatremer n'a pas aimé une de mes dernières chroniques de matinaute, celle-ci, et il me l'écrit.
En substance, écrit-il, non la Troïka n'est pour rien dans la fermeture de la télé grecque, laquelle télé n'est d'ailleurs pas du tout ce qu'on pourrait imaginer. Un vrai media totalitaire, c'était, l'équivalent du "Quotidien du peuple" à Pekin (si si).
On pourrait lui objecter que les deux arguments s'excluent l'un l'autre : si la télé grecque, c'était vraiment le Quotidien du peuple, alors pourquoi ne pas la fermer ? Mais bon (bis). Admettons (si vous voulez en savoir un peu plus, notre émission de la semaine est ici).
Et, ajoute Quatremer, si on trouve des preuves de l'implication de l'UE dans cette décision souveraine du gouvernement grec, il se dit prêt à les publier.
Moi, je pense qu'on n'a pas besoin de preuves. Que le gouvernement grec soit sous pression de la Troïka pour dégraisser la fonction publique, nul ne le conteste. Et on pourrait considérer que cette situation, en elle-même, est une preuve suffisante de sa responsabilité indirecte dans le coup de force de Samaras. Il me parait évident qu'on ne trouvera pas d'injonction de la Troïka de fermer la radio-télé (pas débile, la Troïka). Il me semble tout aussi évident qu'on n'en a pas besoin.
Là-dessus, voilà qu'un blogueur, Okeanews, bien connu de nos services depuis les reportages de l'éconaute en Grèce, exhume une décision de novembre 2011 du Conseil de l'Union européenne, reprise en détail ici. Il y est écrit en toutes lettres que le Conseil met la Grèce en demeure de prendre toute une série de mesures, parmi lesquelles elle est libre de piocher à sa guise, souverainement libre, mais que parmi ces mesures, figure bel et bien l'hypothèse de suppression de ERT. Lisez en détail : il y a bien les mots "liquidation", et "mise en demeure".
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Je m'empresse d'envoyer le lien à Quatremer, certain que, fidèle à sa parole, il va publier cette décision du Conseil, et nous expliquer ce qu'il faut en penser.
Apparemment non. Il veut bien me l'expliquer par mail, mais ne semble pas disposé à le faire publiquement. Je vous transmets donc ses explications. Premier argument, donc, Jean Quatremer m'explique que je n'ai rien compris. D'abord, dit-il, ce n'est pas une décision de l'UE, mais du Conseil européen. Rien à voir. Certes. Je sais bien que les institutions européennes sont très compliquées, mais le Conseil européen, qui rassemble les gouvernements européens, c'est bien l'Europe, non ? (Pour faire simple). Et puis tout de même, ces mots "liquidation", "mise en demeure" ? Re-mail :
"tout le monde connait" ce texte. C'est le MOU (memorandum of understanding), et il a été voté par la Vouli (le parlement grec).
OK, tout le monde connaissait (pas moi, mais je ne suis pas spécialiste). Mais le fait que le Parlement grec l'ait voté, pour débloquer je ne sais plus quelle tranche d'aide, n'empêche qu'il sagit bien d'une mise en demeure, non ? Et là, Quatremer, sublime : lis bien. Il y a le mot "réforme". Le gouvernement grec pouvait réformer la télé, il n'était pas obligé de liquider.
Résumons : Jean demande une preuve. Et quand on lui apporte cette preuve, il s'exclame :
"ah, mais c'est pas VRAIMENT l'Europe. Et puis tout le monde le savait. Et puis les Grecs l'ont approuvé".
Discussion de sourds.
Eh, Jeannot la preuve : tu serais pas de la famille d'Aphatie, par hasard ?