Bon,
THE HATEFUL EIGHT n'est pas dans mes Tarantino préférés; je l'ai trouvé moins bien notamment que
Django Unchained - dont il constitue presque une sorte de suite, et auquel on est presque forcé de le comparer. D'ailleurs, si c'est toujours bourré de références dans tous les sens (les westerns de
Sergio Leone,
The Thing...), je crois que c'est le première fois que Tarantino fait autant référence à ses propres films.
Inglorious Basterds souvent,
Réservoir Dogs assez souvent aussi, etc.
C'est un peu le "problème" (guillemets de rigueur) du film, à mon avis. On y sent un côté un peu forcé, le gars qui fait (très bien) ce qu'il sait faire et ce pour quoi on l'admire; qui pousse son style au maximum et finit par s'y reposer un peu trop. Ainsi, pendant 1h45, ça ne fait vraiment que parler. C'est brillant, et formidablement mis en scène, mais c'est un peu facile (pour Quentin). Après, quand la violence explose autant que le scénario (beaucoup plus complexe que ce à quoi on pourrait s'attendre, avec multiples twix), c'est pareil. On est complètement bluffé, mais dans un coin de sa tête, il y a une petite cloche qui résonne et nous dit que Tarantino reste dans sa zone de confort... Le découpage en chapitre, une constante aussi. A un moment, le film balance même un flashback et une voix off commentant l'action, histoire de briser un peu sa continuité très peu tarantinesque.
Mais bon, c'est vraiment histoire de pinailler - et aussi de hiérarchiser, histoire de ne pas dire à chacun des films de QT que c'est une révolution dans son cinéma et dans le cinéma tout court.
Parce que sinon, c'est une tuerie (dans tous les sens du terme) !
Encore une fois, Tarantino essore les styles dont il s'empare, et en tire quelque-chose d'inédit et de référentiel à la fois. On pouvait penser qu'il avait épuisé le western avec son film précédent (et l'intro de IB), donc il en fait ici autre chose. Une successions de huis-clos qui tend vers le film d'horreur. Du théâtre filmé qui n'en est pas vraiment. De l'affrontement psychologique qui s'achève en gerbes de sang et en gueules éclatées. De la critique sociale sur la construction de l'Amérique et son état aujourd'hui, notamment sur les rapports entre les différentes ethnies qui composent le pays (la condition des noirs, le statut des mexicains...).
Comme toujours, c'est bourré d'humour noir, avec notamment des tas de répliques qui resteront. C'est aussi (forcément) hyper-violent et bien gore, lorsque le film passe aux choses sérieuses.
C'est la première fois que le réalisateur fait appel à un compositeur pour une musique originale, et tant qu'à faire, autant sortir de sa retraite le grand
Ennio Morricone. Qui nous offre une belle partition, comme à la grande époque (mélange de Leone et de sa musique pour
Les Incorruptibles). Et réutilise des compositions de...
The Thing, ben tiens ! La bande-son contient aussi quelques morceaux folk des années 70, très tarantinesques encore.
Je n'ai pas vu le film en 70mm Panavision (un seul cinéma le projette en France dans ce format), mais ça n'empêche pas de remarquer l'extraordinaire travail effectué sur l'image. On se dit par moment que c'est dommage d'utiliser de tels moyens pour filmer la majorité du film dans une diligence ou une mercerie, mais le film est constamment magnifique. Et lorsque les images de grands paysages enneigés éclatent, c'est la grosse claque. A ce titre, la première scène du film restera longtemps gravée comme une des plus belles choses vues sur un écran de cinéma.
Et les acteurs - pour la plupart des habitués de Tarantino, est-il vraiment nécessaire de préciser qu'ils sont énormes ? Juste signaler que
Samuel L. Jackson est enfin au premier plan dans un film de son ami Quentin, et qu'il se montre à la hauteur. Que
Tim Roth donne l'impression que son rôle avait écrit pour
Chritoph Waltz. Que la vraie surprise vient de
Walton Goggins et
Demian Bechir, qui débarquent dans l'univers de Tarantino et y sont tout de suite à leur aise. Et que
Jennifer Jason Leigh est peut-être la plus impressionnante de tous ! On l'imaginait naturellement apte à jouer chez le réalisateur, on se rend compte qu'on était encore en dessous d'imaginer qu'elle pouvait se donner à ce point.
Enfin, même quand ça blablate sans fin, on ne s'ennuie pas, au sein de ces 2h47 dantesques.
Et petit jeu : amusez-vous à compter les salopards... il y en a plus que 8 (pas un pour rattraper l'autre) !
Pas la méga claquasse du siècle, donc... mais encore une très belle réussite du réalisateur !