Au moment de lire le dernier livre de
Jo Walton sorti en France,
Mes Vrais Enfants, j'avais deux idées présentes en tête :
1/ Mon amour pour
Morwenna, dont j'ai parlé plus haut. Essai non transformé par l'auteure avec sa trilogie du (pas très)
Subtil Changement, qui 'était très loin de m'avoir emballé.
2/ L'avis de Cyrille sur le livre, en version soft sur son blog (ici : http://blog.cyrille.free.fr/?p=928) et en version beaucoup plus hard lorsqu'il m'en a parlé de vive voix. Et même dans un court commentaire posté ici :
Cyrille a écrit:Je crois être le seul au monde à trouver Mes vrais enfants un peu neuneu
ça m'interroge. Je crois que les gens sont aveuglés par une forme de "politiquement correct". Waouh, une histoire avec des lesbiennes et des pédés partout (tu parles, ça en devient tellement systématique que c'est comique), waouh, une uchronie (à croire que les gens n'ont jamais rien lu)
Après lecture de la chose... eh bien je me rangerai plutôt du côté soft; pensant même que j'ai probablement plus aimé le livre que Cyrillou.
Pas que ce soit absolument génial d'un seul coup. En fait, j'y ai bien trouvé tous les défauts soulevés par Cyrille, et même certains autres. En effet, le principal problème du truc est bien sa naïveté, et son politiquement correct balourd. Avec des dialogues du type "mais les pédés sont des gens normaux" ou "les juifs ne sont pas des méchants"... j'exagère à peine ! Et comme (là aussi, comme le dit bien Cyrille) tout passe par les dialogues, ça peut devenir bien lourdaud. Les aspects uchroniques du livre sont à peine effleurés, évoqués au détour de réflexions des personnages. Comme si Walton avait peur de se lancer dans un récit trop complexe, et préférait rester collée aux pensées pas très évoluées de ses personnages. Sur ce point, le tout dernier chapitre est malheureusement exemplaire, où l'on a l'impression de lire une explication de texte du livre, qui appuie bien sur ce qu'on a déjà bien compris par soi-même quand on a lu 2-3 livres de SF.
En fait, le livre aurait dû être deux fois plus long. ça aurait laissé le temps à tout le (double) background de se développer. Et ça aurait permis de gommer un autre défaut du livre : son côté
Santa Barbara ! Le livre racontant la trajectoire du personnage principal dans deux réalités parallèles sur plus de 70 ans, on a droit à notre lot de mariages, de divorces, de naissances, d'histoires familiales... qui sont survolées dans des chapitres courts d'une dizaine de pages dans lesquels naissent et meurent trois enfants. Au bout d'un moment, on se demande un peu qui est le fils de qui, qui s'est marié avec qui, et si machin-bidule dont on nous cause à la page 227 n'est pas mort plus tôt (ah non, c'était un autre, dans l'autre univers, en fait !).
Après, à lire ça, on a bien l'impression que c'est de la grosse daubasse.
Mais en fait, non.
Parce que le livre s'avère souvent touchant. Moins que
Morwenna, mais bien plus que
Le Cercle de Farthing et ses suites. On s'attache aux personnages et à leurs aventures, on apprend à vivre avec eux et à les aimer (ou détester, pour certains). On est pris dans l'écriture très fluide de Walton. On se surprend souvent à s'intéresser à ce qui se passe alors qu'on préférerait lire une vraie uchronie (et même deux pour le prix d'une). D'autant que tout ce qui touche à ces aspects purement SF est vraiment bien vu.
ça ne fait maintenant guère de doute (et c'est bien dommage) : à l'exception de son grand roman inaugural (dans notre pays), Walton est une auteure très surfaite. Il n'empêche qu'elle sait mieux que la plupart de ses collègues choper le lecteur et l'entraîner au côtés de ses personnages. Ne reste plus qu'à espérer qu'elle mette son talent au service d'un vrai bon gros livre de SF comme on les aime, un jour.