Bon, donc, LA LA LAND est l'hommage de Damien Chazelle à la comédie musicale de l'âge d'or hollywoodien. Plus qu'un hommage, même : une sorte de re-création du genre, un film en cinémascope plein de couleurs éclatantes, tourné "à la manière" des grands classiques de Stanley Donen ou Vincente Minelli. Tout y est : le séquences de danse, les numéros de claquettes, les personnages qui se mettent à chanter à tout va, les figurants dans la rue qui dansent en rythme alors qu'ils ne se connaissaient pas la seconde d'avant, le héros et l'héroïne qui confient leurs états d'âme en chanson...
Partant de là, il faut évidemment aimer le genre, à la base, pour avoir une chance d'adhérer au film. ça tombe bien, c'est mon cas. Il y a 2/3 semaines, je revoyais encore pour la énième fois Singin' in the Rain en Blu-ray, et me régalais comme au premier jour...
Et, comme les films de l'époque, c'est un pur divertissement, et un film charmant qui fait tout pour se faire aimer du spectateur et le rendre heureux. Assez naïf, innocent, inoffensif, gentil, entièrement tourné vers le bonheur et la légèreté.
Charmant, c'est aussi le qualificatif qu'on peut coller aux deux acteurs principaux, RYan Gosling et Emma Stone. Impeccables de bout en bout, poussant la chansonnette et dansant comme des pros, et jouant la comédie comme aucune chanteur ou danseur professionnel ne pourrait le faire. Ils font vraiment rêver en ce sens qu'on aurait presque envie de continuer à passer notre vie avec eux, d'être à leur place, de partager sans cesse ces moments avec eux...
Comme pour son premier film, la réalisation de Chazelle est monstrueuse, mais repose sur des procédés inverses. Alors qu'il morcelait ses plans et jouait principalement sur le montage dans Whiplash, il travaille ici à base de plans-séquences et de mouvements de caméra amples - reprenant là encore les leçons des ses aînés en matière de comédie musicale. Ceux qui avaient compris qu'il ne servait à rien de faire des gros plans sur des scènes de danse, mais qu'il fallait capter et suivre l'ensemble de l'action.
Et la musique, pour sa partie instrumentale (je reviendrai sur le jazz !), est très bien. Elément indispensable pour un tel film ou la musique a autant d'importance que les images.
D'où vient, alors, la petite déception que constitue un film qu'on attendait de pied ferme, après la belle réussite du précédent et les promesses qui nous étaient faites là ?
Principalement d'un sentiment de "trop-plein". Loin de moi l'idée de me plaindre du fait qu'un réalisateur ait tellement confiance en son cinéma qu'il tente tout ce qui lui passe par la tête ! C'est même plutôt ce que j'aime dans le cinéma, en général.
Sauf que là, la somme des intentions de Chazelle finit par retrancher des qualités au film, et nuire à sa cohérence. Par exemple, le fait de rendre hommage à un pan classique du cinéma américain, mais en ancrant l'histoire de nos jours, produit un déséquilibre dommageable. Voir des gens danser sur un coucher de soleil en carton-pâte et rentrer ensuite chez eux en Prius, ou répondre à leur téléphone portable, ça rajoute de l'artifice à l'artifice, et finit par être indigeste. La première scène du film, avec les gens qui dansent sur l'autoroute, j'ai eu très peur pour la suite.
Vouloir faire une comédie musicale + un plaidoyer pour la musique jazz + un film nostalgique sur la fin de plusieurs époques + un discours sur la mort de l'art + une histoire d'amour + le portrait de deux paumés + une vision des studios hollywodiens + encore d'autres choses... ça fait beaucoup trop.
Enfin, il y a le problème de la musique jazz. Un problème subjectif, certes, mais qui peut gâcher un peu le film pour ceux qui sont hermétiques à cette musique (je ne crois pas en l'axiome décrété par Gosling dans le film, qui voudrait que "ne pas aimer le jazz, ça n'existe pas").
Dans Whiplash, le jazz était essentiel, mais ne constituait pas l'armature du film. On pouvait oublier le style musical pour plonger dans ce Full Metal Jacket chez les batteurs. DAns La La Land, le jazz imprègne énormément de scène, et devient même par moments l'enjeu principal du film. Pas facile de passer outre.
Reste un film très divertissant, qui fait passer un bon moment, et qui contient surtout son lot de belles scènes et montre une formidable alchimie entre les deux acteurs principaux.
Il faut juste ne pas en attendre beaucoup, et être prêt à mettre l'accent sur ses qualités plutôt que sur ses défauts. Ce qui, par moments, n'est pas facile.
Note = 4/6