MEURTRES A OXFORDL’histoire du cinéma est jalonnée de réalisateurs relativement confidentiels qui ont envie un jour de faire un film plus ou moins commercial pour sortir un peu de leur public de geeks et être reconnu un peu plus qu’ils ne le sont. Alex de la Iglesia avec son « Oxford Murders » ajoute un nouvel exemple à la liste, livrant par là même un film qui montre assurément un affadissement du style et des thèmes habituels du réalisateur, mais qui ne s’avère pas honteux pour autant.
Il y a de fortes chances que le film ne provoque d’emballement chez personne : ni chez les adeptes habituels des bandes déjantées de l’ibérique fou (dont le triptyque « Mes Chers Voisins », « 800 Balles », « Le Crime Farpait » constitue un sommet), ni le spectateur lambda qui va se retrouver devant un film certes de qualité mais pas bien distinct du reste de la production du moment. Le film ne constitue pas un faux-pas dans la carrière du cinéaste – c’est quand même trop bien pour ça – juste un moment où il marque un peu le pas. Du coup, de la Iglesia démontre qu’il n’est jamais autant à son aise que quand il se lâche dans ses comédies hystériques et méchantes.
Si « Oxford Murders » n’atteint jamais les sommets qu’on est maintenant en droit d’attendre du réalisateur, il constitue un très agréable petit film policier relevant autant des romans d’Agatha Christie que des films les plus modestes d’Hitchcock. Construit sur le principe du « whodunit », le film en a les qualités et les défauts. Soit un scénario solide et des personnages intéressants, mais aussi une histoire qui avance par à coups et une résolution poussive. En plus de la longue séquence d’explications finale – un passage obligé, mais bien chiant et anti-cinématographique - il y a des chances que si on pose tout ça sur le papier, on se rende compte que c’est bien capillotracté (copyright Cyrille à la sortie de la salle, mais j’y avais pensé aussi). Si le côté « Cluedo géant » est toujours jouissif dans un film, de la Iglesia n’arrive pas toujours à maintenir l’attention du spectateur en éveil. Même en ayant recours à l’univers des mathématiques, qui apporte un supplément d’âme à l’histoire, mais pas plus d’intérêt dans les passages un peu mous.
C’est lorsque la personnalité de son auteur transparaît dans le film que celui-ci se hisse au dessus de la moyenne du genre. Tous les collaborateurs espagnols habituels du réalisateur se sont transportés en Angleterre pour faire un film avec une star américaine, tout comme le livre était signé d’un auteur espagnol situant son intrigue dans la prestigieuse ville universitaire. Le résultat est assez étrange, très anglais en surface, mais avec un vrai regard « étranger » qui lui donne un aspect multiculturel (comme l’a souligné le réalisateur par la suite). De la Iglesia semble autant jouer avec les codes du genre que les détourner. Notamment pour livrer une métaphore évidente sur le cinéma, qui s’incarne aussi dans la réalisation du film, absolument parfaite. Le réalisateur remise ses effets visuels au placard pour emballer son film d’une mise en scène à la fois efficace et cool, à l’anglaise. A l’exception d’une scène, un plan-séquence déjà anthologique qui va faire jouir tous les fans, et même les autres. Une caméra tentaculaire y suit les personnages principaux qui se croisent dans les rues d’Oxford, passant de l’un à l’autre avant de finir en gros plan sur le premier meurtre. Loin d’être gratuit, cet hommage à « La Corde » d’Hitchcock démontre la force du cinéma du réalisateur, parmi les meilleurs quand il s’agit d’exprimer ses idées visuellement.
On retrouve aussi, en beaucoup plus discret, l'humour bien déviant du réalisateur à travers quelques répliques cinglantes et situations absurdes.
Il y a sûrement plein d’autres aspects du réalisateur et des petits trucs cachés qui se découvrent en filigrane, et peut-être faudra-t-il revoir le film : après une première séance de « découverte » surprenante, le film peut gagner à des visions multiples. Ou pas (on va ptet se rendre compte dès la seconde vision que finalement c’est juste un peu trop bateau et que le génial Alex n’est pas assez présent).
Ce qui restera de toute façon, ce sont les acteurs, au premier plan desquels Frodo et Elephant Man, excellents tous les deux. Et évidemment la « découverte » Leonor Warling, entraperçue jusqu’ici dans pas mal de productions espagnoles (dont le rôle principal de « Parle avec elle » d’Almodovar) et qui est absolument… wahou ! (et même quand le mâle basique en moi se tait, elle est plutôt bonne actrice même si elle a pas grand-chose à jouer).
Même sans être totalement convaincu par le film, je n’aurai de toute façon pas perdu ma soirée, puisque Alex de la Iglesia et Elijah Wood (ou « Ellie Jawoud » comme disait le « présentateur ») sont venus répondre longuement aux questions de la salle après la projection (ils étaient déjà présents au début pour présenter rapidement le film). Malheureusement, Leonor et ses seins étaient absents, mais Alex et sa passion (et aussi Elijah et sa décontraction, il faut le dire) ont transformé cet exercice souvent lourdingue (remember « Control ») en très bon moment. Aux questions comme toujours pas terribles de l’assistance, de la Iglesia a répondu par de longs monologues bourrés d’humour et d’anecdotes (un calvaire pour les traductrices !) qui se sont transformés en leçon de cinéma. Comme il l’a redit hier soir, de la Iglesia est un passionné qui ne vit que pour le cinéma, et qui en parle comme personne aujourd’hui (sauf Guillermo del Toro, comme par hasard un autre hispanique). Parlant du côté obsessionnel de ses personnages, il a évidemment étendu ce caractère à sa passion du cinéma, pour expliquer que ce film comme ses précédents parlait avant tout de lui. Il a revendiqué ses influences, au premier rang desquelles Hitchcock, et exposé ses concepts de réalisation (le mini cours sur le plan séquence aurait dû être filmé pour être projeté en écoles de cinéma). Il est aussi revenu sur l’expérience de sa première réalisation à l’étranger et en anglais.
Si je ne suis pas resté jusqu’au bout (mais il doit pas m’en manquer beaucoup), c’est juste parce que j’étais mort et affamé. Un bon film malgré tout, et une vraie avant-première qui tue avec un réalisateur et un acteur loin de faire tapisserie… une bien belle soirée !
LA CHAMBRE DE L'ENFANTEn moins d'une semaine, j'ai vu les deux derniers films en date du grand Alex - puisque Arte a eu l'excellente idée de diffuser vendredi "LA HABITACION DEL NINO". Et ce qui est "marrant", c'est que ces deux films sont aussi éloignés de son cinéma habituel l'un que l'autre. Véritable virage dans sa carrière ou simple passade ? L'avenir nous le dira, mais puisque l'avenir semble être l'adaptation ciné de "La marque jaune", il y a des chances pour qu'il continue à explorer des univers qui ne lui sont pas forcément familier.
Malgré ce rapprochement, "La habitacion..." est bien plus réussi que Oxford… C’est même carrément énorme ! Et pas la peine de lancer des comparaisons hasardeuses avec le premier Crime Farpait venu : ça n’a tellement rien à voir que ça ne sert à rien. Le plaisir pris à la vision du film est aussi grand que pour ses précédents, mais de nature tout à fait différente.
Ce film est l’un des 6 constituant l’anthologie « Peliculas para no dormir » réalisée pour la télé par la nouvelle vague des réalisateurs espagnols (Balaguero, Paco Plaza, Mateo Gil…) sous l’impulsion de Narciso Ibanez Serrador. Je ne connais pas les contraintes de base de la série et je n’ai pas vu les autres (mais va falloir !), mais il s’avère que le film de la Iglesia est tout à fait dans la lignée des films d’Amenabar par exemple. Soit un récit classique (ici maison hantée et fantômes avec fortes réminiscences de Shining), traité sobrement et sérieusement. Point de second degré démystificateur ni de virtuosité technique (même si le film est, évidemment, monstrueusement réalisé), plutôt un film basé sur l’atmosphère et l’étrangeté des situations. Peu d’effets ostentatoires aussi, l’angoisse et l’horreur naissent moins d’effets gore ou agressifs (à l’exception d’une séquence de meurtre dans une baignoire, très réussie) que de la tension distillée par petites touches.
Et ça fonctionne parfaitement ; on marche à fond, on court même ! Le film est carrément flippant (on n’avait pas vu ça depuis… ben « Les Autres », tiens !) et agrippe le spectateur pour le secouer dans tous les sens à coup de cadrages inquiétants, de mouvements de caméra fluides, avec une bande-son pleine de tension… et d’idées toutes chtarbées (le coup du moniteur pour bébé, excellentissime !). Le tout soutenu par de bons acteurs, souvent vus chez Alex. Même si dans le rôle principal Javier Gutierez en fait parfois un peu trop (mais bon, on est loin de Nicholson !), il est équilibré par le beau jeu sobre de mon nouveau fantasme Leonor Watling (moins « fouyayayayaya » ici que dans Oxford, mais quand même).
Le fait que le sujet – un jeune couple avec bébé emménageant dans une grande maison inquiétante – nous touche n’explique pas toute la réussite du film ; le fait qu’Alex de la Iglesia (et ses collaborateurs habituels, à commencer par son scénariste attitré) soit un génie, si !
Avant « Oxford Murders » qui fait un peu craindre des capacités du réalisateur à sortir de ses schémas habituels, « La habitacion del nino » montre qu’il est tout à fait capable de livrer un exercice « à la manière de… » qui tienne totalement la route. Où il parvient même à concurrencer sérieusement ses petits camarades. Dans la foulée de cette série de téléfilms, les deux réalisateurs Paco Plaza (qui n’avait pas réussi son passage au grand écran avec un « Abandonnée » plus chiant qu’effrayant) et Jaume Balaguero se sont associés pour « REC. », annoncé comme le nouveau choque horrifique d’un cinéma ibérique décidément en très grande forme.
Cédric : Pas super emballé par "La habitacion del nino" même si c'est bien foutu mais bien rigolé sur "Mes chers voisins" qui m'a fait pensé par certains côtés déjantés à "Serial Lover" (mais ne me demande pas pourquoi)
BALADA TRISTE DE TROMPETTAJ'ai souvent eu l'occasion sur ce topic et d'autre de qualifier Alex de la Iglesia de plus barré des "jeunes" réalisateurs espagnols qui ont explosé le cinéma de genre de ces dernières années - sachant que lui a commencé depuis plus longtemps et pourrait être qualifié de père spirituel pour tous ceux là. Et s'il semblait s'être assagi avec ses deux films précédents (cf ci-dessous - même si le second est une bombe, il est très sobre dans la forme et le fond), peut-être calmé par l'abandon (temporaire ?) de son projet d'adaptation de Blake et Mortimer, le réalisateur prouve avec son petit dernier "BALADA TRISTE" (... De Trompetta, pour son titre original) qu'il n'a pas perdu la main.
Loin de là.
Parce que là, on peut même dire qu'on a affaire au film le plus dingue, le plus barré, le plus siphonné, du réalisateur, rien de moins ! Et aussi le plus baroque, le plus ambitieux, le plus hystérique, le plus violent, le plus sanglant...
Ca démarre sur les chapeaux de roues dans une scène prégénérique d'anthologie, et ça n'arrête plus pendant 1h40 de montagnes russes totalement hallucinantes et hallucinatoires. Qui mélangent petite et grande histoire, à travers le destin d'un clown triste lié à la guerre civile et le règne de Franco. Via les péripéties délirantes de son personnage principal, De la Iglesia livre une farce politique impitoyable, les aventures de son clown étant le reflet d'un pays à la dérive sous le joug d'un dictateur sanguinaire. Le film se rapproche alors de ceux de Del Toro réalisés en Espagne, qui livraient un miroir politique à l'époque observée, sous le couvert d'un pur film de genre où les ambitions personnelles des personnages rejoignaient la marche de l'histoire.
Ce fond solide, c'est ce qui donne sa force au film, le socle qui permet au réalisateur de se livrer à tous ses délires visuels et scénaristiques. Et là, il se lâche comme jamais - même si certains de ses films précédents genre "Mes Chers Voisins" ou "Le Crime Farpait" étaient déjà bien agités du bulbe, de la caméra, et des acteurs hystériques. D'ailleurs, on a l'impression de voir ici un prolongement de son précédent "Muertos de Risa", en plus abouti.
Proprement irrésumable, le film accumule les scènes de grand malade, sans jamais laissé le spectateur souffler - jusqu'à un finale virtuose en forme d'hommage à Hitchcock (sauf que Iglesia se permet tout ce que le gros Alfred ne pouvait pas montrer), et un dernier plan à pleurer de bonheur. On finit le film épuisé, terrassé par la succession de chocs visuels, d'idées géniales, de coups de poing mortels, d'acteurs au top du cabotinage (dans des rôles opposés, le "héros" et sa Nemesis sont tous deux monstrueusement inquiétants et font froid dans le dos). Et après Leonor Watling, le réalisateur révèle une nouvelle bombe espagnole, Carolina Bang, cerise on the cake. Un gateau bien bourratif, mais qui fait plaisir à l'estomac (surtout après une petite période de disette).
Note = 5,5/6
PS : "Balada Triste" est sorti chez nous au ciné le 22 juin - un vrai miracle en cette période où les distributeurs font à peu près n'importe quoi. Mais évidemment, il est visible dans 2 salles et demie avec des horaires pourris.
On n'est donc pas obligé de se déplacer, mais par tous les moyens, il faut voir ce film qui déchire tout !
[quote=Phil]DVD de Balada Triste reçu - vais pouvoir le savourer dans de meilleures conditions que le Divx de juillet. Déjà que c'était mortel...[/quote]
Ah mais vraiment, quel film monstrueux (dans tous les sens du terme) !
C'est même encore meilleur de le revoir : parce que même en le connaissant, j'ai encore été pris dans son tourbillon délirant, avec le même enthousiasme. C'est vraiment du cinéma majuscule, autant qu'extrême et intense. Les audaces et les folies de la Iglesia, qui se permet tout, jusqu'aux ruptures de tons les plus abruptes, est vraiment impressionnant. A le seconde vision, le film reste cet OVNI totalement déstabilisant, qui choppe son spectateur et le tabasse jusqu'à le laisser groggy comme un con devant son écran. Ne sachant s'il faut rire ou pleurer, frémir ou s'indigner, se réjouir ou se mettre en colère. Sans compter que le final reste cette éblouissante démonstration de virtuosité qui fait aimer le cinéma autant que le réalisateur l'aime. C'est à dire immensément.
Note remontée à 6/6 (et Diane s'inquiète sérieusement pour ma santé mentale. Même si, sachant qu'elle l'avouera jamais, elle a aussi aimé ce film
)
Diane : Non,je l'avoue, j'ai bien aimé. Mais j'ai toujours du mal avec son univers, je n'arrive pas à accepter ce côté "horriblement déjanté" alors que je l'accepte sans problème venant de Tarantino (bon, c'est pas la même horreur !), par exemple...
Cédric : Je ne suis pas aussi enthousiaste même si j'ai été très agréablement surpris (ne connaissant ni Iglesia et m'attendant à quelque chose de plus convenu, plus espagnol quoi). J'ai bien aimé le côté complètement barré d'Iglesia et de sa mise en scène, l'hommage à Hitchcock (il y a aussi du Terry Gilliam dans sa réalisation), le décalage avec le côté historique et politique de l'époque. Mais je trouve que le film manque parfois de rythme, notamment sur le "deuxième acte", la période cirque, où la tension installée au début disparaît et on se demande vraiment dans quelle direction ça va partir, auquel s'ajoute quelques incohérences scénaristiques.
Mais rien de grave et ça reste tout de même dans la moyenne très haute du genre et pour moi et défonce largement "L'Orphelinat" ou "Les Autres".
PERDITA DURANGO et ACCION MUTANTEMe suis enchaîné hier les deux seuls De la Iglesia que j'avais pas vu jusque là soit "PERDITA DURANGO", co-prod espagnolo-américaine tournée en anglais à la frontière mexicaine en 97; et "ACCION MUTANTE", son premier film de 93, que la curiosité m'avait jamais poussé à voir jusque là.
Soit deux films moyens, en fait - qui me confortent dans l'idée que le génial espagnol a mis du temps à démarrer (contrairement au frangin, je suis pas méga fan du "Jour de la Bête" non plus, qu je trouve juste sympa et plein de bonnes intentions, mais raté).
C'est intéressant d'ailleurs de voir aujourd'hui seulement son premier film : c'est bien sûr un brouillon de son oeuvre à venir, un film complètement barré et hystérique, violent et grotesque. Un truc assez bricolo (bien que produit par El Deseo, la firme des frères Almodovar; ils devaient pas avoir à l'époque les moyens d'aujourd'hui) qui confine parfois à l'amateurisme. Ca se barre dans tous les sens, certes, mais ça se barre surtout en couilles. Comme son film suivant (Le jour...), l'entreprise est sympathique, mais en partie ratée. Et comme on sait qu'il parviendra par la suite à maîtriser cet aspect brouillon et à livrer ses bombes ultérieures sans jamais perdre sa folie, on ne lui en veut même pas de ce Delicatessen tordu mais partiellement foireux.
On lui en voudrait presque plus de chier "Perdita Durango". Enfin, chier n'est pas le mot, parce que là aussi c'est pas mal - et y'a des fulgurances et quelques scènes démentes (dans tous les sens du terme). Le film se voulait comme une sorte de "spin off" de "Sailor et Lula" : tirée d'un autre roman de Barry Gifford et adapté par lui-même, il s'attache au personnage de Perdita, qui apparaît dans le film de Lynch interprété par Isabella Rosselini. En fait, c'est plus le tueur sauvage interprété par Javier Bardem (doté d'un look et d'une coupe totalement improbables) qui est le personnage principal du film, mais ce n'est pas le souci. Le souci, c'est qu'il manque du liant au film, qui se contente d'aligner les scènes délirantes, la violence et le cul, sans rien raconter de bien captivant. Là où Lynch, par son style et sa "vision", transformait "Sailor et Lula" en un film complètement "autre", l'espagnol se contente d'illustrer une histoire banale à la "Tueurs Nés" en assurant au niveau des outrances. On va pas se plaindre du voir du sang et de la fesse (surtout pas !), mais si ça doit rimer à rien... (en plus, ça dure deux heures assez interminables).
Note = 3/6 chacun.
UN JOUR DE CHANCEAller plus loin dans la folie furieuse que son précédent "Balada Triste" était limite dangereux et menaçait de faire pencher le cinéma d'Alex de la Iglesia du mauvais côté du précipice. Assez logiquement, son petit dernier "La Chispa de la Vida" représente alors un Iglesia soft - peut-être plus encore que son "Oxford Murders" qui s'apparentait encore à un Cluedo géant.
Sauf que – et c’est justement ce qui fait son prix – le film est encore traverse d’éclairs de folie, du délire constant dans le cinema du réalisateur… cette fois introduit comme u parasite dans un cinéma plus classique.
L’argument de départ, déjà, en bien chtarbé. Un ancien publicitaire au chômage depuis deux ans vient à nouveau de se faire rembarrer par d’anciens collègues dans sa recherche d’emploi. Heureusement pour lui, il file le parfait amour avec sa femme (on le comprend, c’est Salma Hayek, en mode nichons dès la première scène) ; et souhaite revenir sur les lieux de leur lune de miel. Manque de bol, l’hôtel où ils ont séjourné à l’époque a été transformé en musée d’art romain… qui doit justement être inauguré ce jour. A la suite d’un accident improbable, le pauvre type tombe d’un échaffaudage et se retrouve allongé sur une grille… avec une barre en acier plantée dans la tête ! Son accident va alors être suivi en direct à la télévision par des autres de journalistes et de curieux, et il va en profiter pour tenter de se faire un paquet de fric en exploitant sa mésaventure pour les médias.
Après son prologue, tout le film se concentre alors sur le lieu de l’accident – où sa femme (et bientôt ses enfants, dont un inénarrable fils gothique) va le rejoindre. Et où il va monnayer l’exclusivité de l’exploitation de son accident avec un agent véreux et le monde impitoyable de la télé – pendant que des médecins tentent désespérément de trouver un moyen de le sortir de là. Quand ce n’est pas la directrice du musée et le maire qui essaient de scier la barre de fer ou autres fausses solutions nases.
On le sait, Alex de la Iglesia ne se caractérise pas par sa finesse. Et même dans un film qui se veut être une comédie dramatique plus classique, le naturel revient vite au galop. La charge contre l’avidité des médias, les masses attirées par le spectacle de la mort, l’argent-roi, la recherche du « quart d’heure de célébrité », et autres thèmes du même acabit, est évidemment lourde et démonstrative. Ce n’est pas « Le Gouffre aux Chimères » de Billy Wilder, quoi (le mètre-étalon sur ce sujet) !
Pourtant, ça fonctionne parfaitement. Parce que c’est bourré d’humour – évidemment très noir, ou frisant l’absurde ; comme d’habitude chez le plus fou des réalisateurs espagnols. Parce que l’émotion est bien là, notamment dans la superbe scène de l’interview ; et qu’on finit par se prendre d’amitié pour cette famille nucléaire à laquelle il est si facile de s’identifier. Parce que le film distille mine de rien un discours sur la crise économique qui frappe l’Espagne plus que bien d’autres, qui fait mouche.
Et aussi parce que De La Iglesia est toujours un réalisateur monstrueux. Qui met ici la pédale douce sur les effets ostentatoires de sa réalisation, mais livre une partition visuelle d’une précision phénoménale.
Ajoutons à ça que les acteurs sont excellents – certains souvent vus auparavant chez l’espagnol, et qui jouent moins ici dans la caricature et l’outrance. Salma Hayek, en femme amoureuse jusqu’au bout, est excellente. C’est peut-être même son meilleur rôle ; il est bien dommage de se dire que pas grand-monde ne s’en rendra compte vu que ce petit film est bien parti pour passer inaperçu. Et, comme dans tous ses films maintenant, Alex offre une nouveau rôle à sa femme Carolina Bang ; ce qui est une très bonne idée ! (même si ça ne vaut pas son rôle central dans « Balada Triste »).
Un film mineur du réalisateur, donc – mais des films mineurs avec autant de classe, j’en demande tous les jours, moi !
Note = 5/6