CONSUMéS, premier roman écrit par
david Cronenberg n'a absolument rien d'étonnant à la lecture, pour tout amateur du réalisateur canadien. En effet, ce n'est ni plus ni moins qu'un film de Cronenberg, juste que c'est sous la forme d'un roman. On y retrouve bien toutes ses obsessions, son style froid et clinique, sa fascination pour le corps humain, le sexe, le sang, les fluides; ainsi que son attrait pour la psychologie et la technologie. Tout ça mélangé évidemment dans une orgie gore et porno.
A tel point qu'on a souvent l'impression de lire un condensé de son oeuvre filmique (jusqu'à l'opposition Freud/Jung de
A Dangerous Method évoquée à un moment !). Et plus particulièrement une sorte de mix entre
Crash et
Vidéodrome - où les nouvelles technologiques de l'informatique et de la communication auraient remplacé les voitures et le magnétoscope.
On se demande bien pourquoi, alors, Cronenberg n'a pas conservé cette histoire pour un scénario d'un film futur. On sait (d'après les interviews données) qu'il était curieux de se frotter à un art différent de celui qu'il pratique depuis ses débuts. De fait, si on peut comprendre l'envie de Cronenberg de se frotter à un matériau différent, le résultat ne justifie pas en soi l'existence du livre, plutôt qu'un scénario d'un de ses prochains films.
Ce n'est pas forcément l'écriture qui pose problème. A part 2-3 passages un peu bancals - que j'attribuerai plus probablement à une traduction parfois flottante - c'est plutôt bien écrit, sans atteindre non plus des sommets stylistiques.
C'est plutôt que Cronenberg semble s'être laissé emporter par son nouveau jouet, et joue plus à se prendre pour un écrivain qu'à se comporter en tant que tel, dans les faits. Et que son amusement lasse, au bout d'un moment.
Les deux premiers tiers du livre fonctionnent assez bien; sans être complètement captivé par le livre, on se laisse porter par celui-ci. Et patatras : dans le dernier tiers, avec un trèèèèèèèèès long passage de récit à la première personne d'un des personnages, l'intérêt retombe complètement. Tout ce qui pouvait passer jusque là - le name-dropping, les descriptions techniques, la réinterprétation fictionnelle de la réalité (par exemple la présentation houleuse de
Crash à Cannes, puis le rôle de président du jury du réalisateur), la provocation sexuelle et sanglante... - se transforme en tics énervants. En démonstration pataude des constantes du réalisateur, qui exhibe ouvertement ce qu'il sait être ce qui attire ses fans dans son cinéma. Du m'as-tu-vu d'un gars qui sait ce qu'on attend de lui, et qui s'y vautre de façon excessive et lourde.
Du coup, j'ai peiné sur les 80 dernières pages, dont je pensais ne jamais voir le bout.
Pour l'amateur du canadien, ça doit se lire, même si c'est pas terrible (comme il faut avoir vu
Spider ou
Cosmopolis). Pour les autres, c'est largement dispensable.