Après son Green Zone qui ne m'avait qu'à moitié convaincu, l'anglais Paul Greengrass continue de baisser un peu dans mon estime, et son parcours américain ressembler à un gigantesque renoncement, avec son dernier né CAPTAIN PHILLIPS (sorti sur nos écrans mercredi dernier).
Malgré tout, ce n'est pas dû à Greengrass lui-même, du moins au premier abord. Parce que, pendant 2h15, on assiste à un formidable film d'action, spectaculaire, prenant, tendu comme un soutif de Nabila - où le "style reportage" du réalisateur fait à nouveau merveille, tout en étant plus lisible que par le passé, ce qui est tout bénef. Contenant en plus quelques scènes démentes qui resteront dans les annales (par exemple la résolution de la prise d'otage, grosse baffe dans la gueule).
Qu'est-ce qui cloche, alors ? Le fond du film, clairement problématique, limite puant. Rien à redire à la première heure, décrivant l'assaut d'un bateau cargo par des pirates somaliens et la résistance de l'équipage emmené par le capitaine du titre. Le tout tiré d'une histoire vraie. Pile à la moitié du film, les pirates partent du bateau en emportant le capitaine avec eux... et c'est là que ça devient un gros film américon facho, avec pub pour l'armée américaine, héroïsme à deux balles, résistance du brave héros-père-de-famille-exemplaire-futur-Oscar-pour-Tom-Hanks, méchants caricaturaux hyper violents et cons comme la lune (ben oui, des blacks musulmans, faut pas trop leur en demander !), etc. Ce qui finit par vraiment déranger, c'est que tout le film est une entreprise de justification de l'interventionisme américain, et ne sert finalement qu'à justifier l'abatage musclé des pirates/kidnappeurs dans la scène/baffe sus-citée. Ce ne sont pas les quelques scènes et séquences de dialogues un peu plus évoluées que le reste qui font oublier l'ensemble (comme cet échange entre le capitaine et le chef des pirates : "Don't you have any other choice to be a fisherman ou a kidnapper ? - Maybe un America..."). Et dans la réalité, il apparaît que le capitaine n'a peut-être pas été si exemplaire que ça, ce qui commence à ressortir à l'occasion du film...
C'est clairement la faute du scénario bien merdeux, mais pas question de dédouaner Greengrass pour autant. Déjà parce qu'il a choisi d'adapter ça, alors qu'il y avait sûrement plein de réalisateurs américains bourrins sur les rangs. Mais surtout, parce qu'il met son extraordinaire sens de la mise en scène et la force de sa vision au service de cette soupe réactionnaire bas-du-front. Quand on se souvient de la façon dont Bloody Sunday mêlait forme et fond, et surtout de comment Greengrass évitait tous ces écueils dans un Vol 93 pourtant à haut risque; ça fait bien mal au cul.
Difficile de se faire un avis définitif sur ce film, du coup, totalement immersif et entraînant en surface, complètement vaseux en creusant pas très loin.
(deux points anecdotiques :
- le compositeur Henry Jackman ne s'est pas foulé, allant jusqu'aà pomper son score de X-Men First Class à la note près.
- Tom Hanks joue pendant 2 heures à la Tom Hanks sans intérêt, mais parvient dans sa dernière scène à être absolument fabuleux, pour une fois qu'on lui demande de jouer autre chose que son personnage parfait. Et vous savez à quel point je l'aime pas, pour que je dise ça c'est qu'il doit être vraiment bien pendant ces 5 dernières minutes).