Entamé le premier volume de l'intégrale des romans - 1953/59; que je lirai en entrecoupant d'autre bouquins.
Préface intéressante de Gérard Klein, qui arrive à raconter des trucs sur Dick qu'on n'a pas lus 1000 fois ailleurs; tout en s'appuyant sur des textes connus. La partie sur le post-modernisme de Dick est un peu fumeuse, mais le reste tout bon.
LOTERIE SOLAIRE
Il me semble que je l'avais déjà lu, le début me disait quelque chose; la suite me parlait plus du tout... Toujours est-il que ce premier roman de Dick est loin d'être un chef d'oeuvre, comme la plupart de ses oeuvres de jeunesse. Mais que c'est très plaisant à lire. On dirait carrément du Van Vogt - en mieux écrit, même si le style de Dick est pas exceptionnel non plus. Ca commence un peu comme "Le Monde des non-A", et comme lui (ou "Slans"), ça vire au space opera un peu tiré par les cheveux. En cela, ça s'apparente plus à ses nouvelles de l'époque qu'à ses futurs romans psychédéliques (même si on trouve déjà trace des simulacres humains qui fleuriront ensuite).
S'inscrivant totalement dans la "SF pulp" des années 50, "Loterie Solaire" est un petit roman sympa qui se lit vite, rien de plus (ni de moins). Dick l'a écrit sans y croire, de dépit de ne pas réussir à percer dans la littérature généralee qu'il visait. On ne se plaindra pas qu'il ait poursuivi dans cette voie, vers des livres plus évolués que celui-là.
LES CHAINES DE L'AVENIR
Ecrit 2 ans après le précédents (entretemps, Dick a continué de tenter de percer dans la littérature générale, et a surtout écrit une tonne de nouvelles de SF), "The World Jones Made" (de son titre original) tourne le dos à son premier roman de SF. Plus (ou preesque plus) de space opera; on revient sur terre pour une histoiree se déroulant dans un futur post apocalyptique plein de mutants. Avec en plus un sous-texte (très mis en avant, un sur-texte, donc !) très politique - ce roman devient alors une sorte de brouillon de l'oeuvre future de Dick - avant ses délires mystiques des années 70. Là, on n'a plus l'impression de lire un Van Vogt, mais bien un livre de l'auteur. Ca reste une oeuvre de jeunesse un peu maladroite, mais Dick est déjà bel et bien là.
(je l'avais pas lu, celui-là)
LE PROFANATEUR
(pas lu avant non plus)
Dans la lignée du précédent, encore un roman court qui décrit une société humaine future et dont le fond politique prend le pas sur la forme. L'histoire n'est pas très intéressante, les péripéties tirées par les cheveux, ça fait du surplace sans réelle progression dramatique... Mais l'univers décrit est très intéressant : celui d'une société basée sur le éRéarmement moral", mélange de conservatisme catho hyper poussé et de communisme. Il permet à Dick de développer là encore dès le début de sa carrière des thèmes et idées qui fonderont ses plus grandes oeuvres par la suite.
A lire par curiosité; mais clairement pas indispensable (en même temps, c'est pas une perte de temps, ça prend trois heures à tout casser).
LES PANTINS COSMIQUES
(toujours pas lu avant)
Et toujours une oeuvre de jeunesse de Dick - où l'on retrouve les germes de ses livres futurs au sein d'une histoire courte (110 pages) et simple très fifties. Un argument de base qui rappelle certains épisodes de Twilight Zone (avec une explication finale à la "Dome" ! pour le coup, ce serait plutôt King qui se serait inspiré de Dick), plutôt plaisant, malheureusement plombé par des personnages sans intérêt et des digressions assez nases (les espèces de Dieux qui se bastonnent par l'intermédiaire d'une petite ville américaine, mouof).
Bon, il est temps d'attaquer les choses sérieuses avec "L'Oeil dans le Ciel" et "Le Temps Désarticulé" (un de mes Dick préférés). Les deux livres qui terminent cette première intégrale et marquent historiquement l'entrée de Dick dans la cour des grands après ces quelques galops d'essais (4 premiers livres bien sympas mais loin d'être géniaux; moins intéressants que la profusion de nouvelles du Dick de l'époque).
L'OEIL DANS LE CIEL
Comme je l'ai dit plus haut, ce livre s'est imposé au fil du temps comme le premier "pur Dick"; c'est même à la relecture une sorte de preemière version évidente de Ubik.
Le sujet, déjà, qu'on peut difficilement trouver plus Dickien : à la suite d'un accident dans un "Bévatron", un groupe de personne se retrouve projeté dans les univers mentaux successifs de chacun d'entre eux - alors que les secours interviennent dans le monde réel.
Dick nous balade alors dans des mondes plus délirants les uns que les autres, au gré des psychés bien barrées des personnages; et interroge évidemment la notion de réalité (ce qui sera encore plus prégnant dans le livre suivant).
Il ajoute à ça des aspects politiques - notamment une violente charge contre le Mac-Carthysme. Et emballe le tout avec un humour ravageur.
Ca reste moins puissant que les plus grands livres à venir, mais très accrocheur. Et ça fait du bien de (re)lire du Dick rempli de ses obsessions et thèmes - après les livres anecdotiques précédents.
LE TEMPS DESARTICULé
Là, c'est simple, c'est "The Truman Show" 40 ans avant ! On n'arrivera jamais à me faire croire d'ailleurs que Niccol et Weir n'avaient pas ce livre en tête quand ils ont fait le film avec Jim Carrey. Sauf que ça se double ici d'une histoire de guerre futuriste purement SF (et très ancrée dans son époque). Le twix est assez vite éventé, surtout quand on a l'habitude de Dick; mais ce sont tous les tenants et aboutissants de la chose qui font que le bouquin se tient. Et peut même se relire plusieurs fois (c'était ptet ma troisième; au moins la seconde, sûr). On y trouve toujours aussi l'arrière-fond politique indissociable des début de l'oeuvre de l'auteur, dans ses romans et nouvelles; qui se diluera un peu par la suite (et prendra une autre forme dans les délires mystiques de la fin de sa carrière).
Un autre de mes Dick préférés - et à mon avis une merveille.
Entamé la seconde intégrale des romans aux éditions J'ai Lu.
Avec dans ce volume une nouvelle préface excellente de Gérard Klein - qui développe cette fois-ci une biographie rapide de Dick, relevant les romans marquants, s'attardant sur la psyché compliquée de l'auteur et l'abordant sous un angle psychanalytique.
LES MARTEAUX DE VULCAIN
Dans sa préface, Klein aborde le fait que l'oeuvre de Dick est particulièrement difficile à appréhender d'un point de vue critique entre autres parce que le meilleur y cotoie d'indignes livres alimentaires. Celui-là fait malheureusement partie de cette catégorie - ce qui est d'autant plus décevant après les deux précédents, vraiment très bon (voir plus haut). C'est donc de la bête SF des fifties à la Van Vogt, qui semble écrite machinalement et ne développe pas grand-chose d'intéressant. On se dit surtout que ça aurait fait une bonne nouvelle comme Dick les alignait à l'époque, sur la moitié des pages de cette histoire interminable et sans rebondissements.
Pas mauvais ni désagréable, mais plus qu'anecdotique.
DOCTEUR FUTUR
Encore une petite chose anecdotique, petit livre de SF de 130 pages qui mange pas de pain. Toujours pas fondamental, mais plus plaisant que le précédent. Une histoire délirante de voyages dans le temps, avec des gens du futur qui veulent changer le passé au moment de la colonisation des indiens d'Amérique. Ca ressemble encore à une longue nouvelle et ça aurait pas forcément mérité d'être développé sous la forme d'un roman, même court. Mais Dick s'amuse à jouer avec ses paradoxes temporels, et il faut avouer qu'on s'amuse avec lui.
Enfin, ça marque le moment où il abandonne l'idée d'écrire des romanes "sérieux" et se consacre uniquement à la SF.
L'année suivante, il publiera "LE MAITRE DU HAUT CHATEAU" (ma prochaine lecture, donc, hors Intégrale) et obtiendra le prix Hugo. Ca a tout de suite une autre gueule ! (même si je suis moins gaga de ce livre - pas à la hauteur du mythe à mon avis - que d'autres qui suivront).
LE MAITRE DU HAUT CHATEAU
Le voilà donc, le "premier chef d'oeuvre de Dick", un de ses livres les plus célèbres, un monument de la science-fiction, et blablabla. Il est clair que, du point de vue de l'oeuvre, le livre restera comme celui qui l'a définitivement fait basculer dans le domaine des grands auteurs de SF (entre autres), et qui aura contribué à forger la réputation qui sera la sienne par la suite. De par son ambition, déjà - Dick voit ici beaucoup plus loin que ses "petites historiettes" précédentes. De par l'affirmation de ses thèmes de prédilection et de son style. De par son écriture, enfin - plus précise et rigoureuse.
Malgré ça, je n'avais pas été emballé outre mesure à la première lecture du livre, il y a bien longtemps maintenant. Il est probable que j'en attendais énormément et n'avait pas trouvé un livre à la hauteur de tous les lauriers qu'on lui tressait.
A la relecture, je comprends pourquoi cette déception (légère, cela dit - j'avais quand même aimé globalement le livre; sans le trouver aussi bon que d'autres à la réputation pourtant moindre). L'uchronie du livre, par exemple (pour rappel : ça se passe dans l'Amérique des années 60, dans un monde où Allemands et Japonais ont gagné la seconde guerre mondiale), n'est qu'une toile de fond à l'histoire, et n'est jamais passée au premier plan. A peu de choses près, le livre pourrait bien se dérouler dans n'importe quel univers SF un peu décalé par rapport au notre. Pareil pour les thèmes classiques de l'auteur comme la perception de la réalité, les univers parallèles, les simulacres et la notion de faux, ou ses éternels personnages de loosers pathétiques aux prises avec des événements qu'ils ne comprennent pas. Tout ça est traité de manière beaucoup plus légère, via un récit assez abstrait qui se déroule par petites touches modestes.
Je pense aussi que j'étais "trop jeune" à l'époque - et que pas mal de subtilités liées au déroulement de la seconde guerre mondiale m'avaient échappé. Je ne devais même pas savoir qui étaient Goering ou Borman, donc bon... (je vous rassure : Hitler, ça va, je voyais déjà bien !).
On devinera donc de ces lignes que j'ai bien plus aimé le livre lors de cette relecture - même si je pense toujours que ça n'atteint pas le niveau (il est vrai très élevé, il fait partie de mes 10 livres préférés) de Ubik. C'est le genre de livre "qu'il faut avoir lu"; mais ça va : on ne le regrette pas. Et on passe même plutôt un (très) bon moment en sa compagnie.
Toutes les implications du récit sont même assez vertigineuses - c'est juste un peu dommage que le style froid et "profil bas" de Dick ici ne rende pas toujours ce vertige si prégnant.
Chez "J'ai Lu Millénaires", le livre est présenté dans une traduction revue, qui fait beaucoup de bien au livre (les anciennes souffraient des traductions bâclées de la SF des années 60 en France). En bonus, une postface intéressant de Laurent Queyssi - qui analyse le livre en une petite dizaine de pages limpides (développant en partie ce que je dis ici, avec le côté habituel "béât devant le chédeuvre" en plus). Et les deux premiers chapitres d'une suite au roman que Dick a tenté d'écrire en 1964, sans jamais pouvoir aller plus loin. Pour éviter la frustration, je ne les ai pas lus in extenso, mais parcourus - et on imagine bien ce que Dick aurait pu faire de cette suite. Dommage qu'il n'ai pas poussé plus loin.
LE BAL DES SHIIZOS
(pas lu avant)
Retour aux Dick "modestes" de l'époque, après le pas franchi par "Le Maître du Haut-Chateau", celui-ci est intéressant surtout parce qu'il marque bien la période de transition pour l'auteur à ce moment là. On sent bien à la lecture qu'il reste encore sur les schémas de ses premiers romans de SF - en gros des nouvelles (comme il en écrit des tonnes à l'époque) allongées sur plus de pages. Mais en même temps, il fait montre d'une ambition supérieure dans les thèmes abordés, dans le récit, les personnages... Ca rend le livre plus intéressant qu'un "Docteur Futur" ou "Les Pantins Cosmiques"; mais pas pour autant un grand livre (et moins immédiatement plaisant que "L'oeil dans le ciel" ou "Le temps désarticulé").
Le titre français du livre est assez inapproprié : Dick nous décrit bien un monde futuriste (pour lui, parce quye ça se passe en 82 !) peuplé de malades mentaux, schizos et autres paranoïaques, qui sont soumis à une loi les obligeant à être soignés dans des cliniques spécialisées ou à l'extérieur. Mais ce n'est qu'une toile de fond, lui servant à développer à une échelle supérieure ses thèmes de prédilection. L'histoire est surtout articulée autour de la création de robots à l'identique des grands personnages du passé, et le titre original "We Can Build You" colle alors mieux (sans compter que les interrogations du personnage principal sur sa propre réalité vont aussi dans ce sens).
Il y a aussi, comme souvent chez Dick, un discours politique - notamment sur la lutte des classes - ici parfois trop appuyé et asséné lourdement.
Un bon Dick "première époque".
GLISSEMENT DE TEMPS SUR MARS
(je croyais l'avoir déjà lu, mais non - en tout cas ça me disait rien à cette lecture là)
Dick prolonge son roman précédent et transporte ses schizophrènes sur Mars, en y rajoutant un traitement révolutionnaire pour comprendre et soigner les autistes. La première moitié du livre suit la progression habituelle des premiers livres de l'auteur et comprend des thèmes récurrents, mais s'attache plus à imaginer la vie sur Mars devenue une colonie vers laquelle émigre la population d'une Terre surpeuplée. On est plus dans l'esprit des futurs auteurs de SF prospective à la Baxter ou KS Robinson (sans les aspects scientifiques).
Ensuite, il part bien dans ses délires avec différents niveaux de réalité, voyages dans le temps, malades mentaux mutants aux pouvoirs psychiques, histoire incarnant la lutte des classes transportée sur Mars...
Encore un bon Dick mélangeant aspects purement "aventure-SF" et réflexion propres à l'univers de l'auteur. Qui marque clairement la fin de la période pour Dick, qui va changer de statut et d'ambitions avec le succès et les prix du "Maitre du Haut-Chateau", et le suivant "Dr Bloodmoney".
Préface intéressante de Gérard Klein, qui arrive à raconter des trucs sur Dick qu'on n'a pas lus 1000 fois ailleurs; tout en s'appuyant sur des textes connus. La partie sur le post-modernisme de Dick est un peu fumeuse, mais le reste tout bon.
LOTERIE SOLAIRE
Il me semble que je l'avais déjà lu, le début me disait quelque chose; la suite me parlait plus du tout... Toujours est-il que ce premier roman de Dick est loin d'être un chef d'oeuvre, comme la plupart de ses oeuvres de jeunesse. Mais que c'est très plaisant à lire. On dirait carrément du Van Vogt - en mieux écrit, même si le style de Dick est pas exceptionnel non plus. Ca commence un peu comme "Le Monde des non-A", et comme lui (ou "Slans"), ça vire au space opera un peu tiré par les cheveux. En cela, ça s'apparente plus à ses nouvelles de l'époque qu'à ses futurs romans psychédéliques (même si on trouve déjà trace des simulacres humains qui fleuriront ensuite).
S'inscrivant totalement dans la "SF pulp" des années 50, "Loterie Solaire" est un petit roman sympa qui se lit vite, rien de plus (ni de moins). Dick l'a écrit sans y croire, de dépit de ne pas réussir à percer dans la littérature généralee qu'il visait. On ne se plaindra pas qu'il ait poursuivi dans cette voie, vers des livres plus évolués que celui-là.
LES CHAINES DE L'AVENIR
Ecrit 2 ans après le précédents (entretemps, Dick a continué de tenter de percer dans la littérature générale, et a surtout écrit une tonne de nouvelles de SF), "The World Jones Made" (de son titre original) tourne le dos à son premier roman de SF. Plus (ou preesque plus) de space opera; on revient sur terre pour une histoiree se déroulant dans un futur post apocalyptique plein de mutants. Avec en plus un sous-texte (très mis en avant, un sur-texte, donc !) très politique - ce roman devient alors une sorte de brouillon de l'oeuvre future de Dick - avant ses délires mystiques des années 70. Là, on n'a plus l'impression de lire un Van Vogt, mais bien un livre de l'auteur. Ca reste une oeuvre de jeunesse un peu maladroite, mais Dick est déjà bel et bien là.
(je l'avais pas lu, celui-là)
LE PROFANATEUR
(pas lu avant non plus)
Dans la lignée du précédent, encore un roman court qui décrit une société humaine future et dont le fond politique prend le pas sur la forme. L'histoire n'est pas très intéressante, les péripéties tirées par les cheveux, ça fait du surplace sans réelle progression dramatique... Mais l'univers décrit est très intéressant : celui d'une société basée sur le éRéarmement moral", mélange de conservatisme catho hyper poussé et de communisme. Il permet à Dick de développer là encore dès le début de sa carrière des thèmes et idées qui fonderont ses plus grandes oeuvres par la suite.
A lire par curiosité; mais clairement pas indispensable (en même temps, c'est pas une perte de temps, ça prend trois heures à tout casser).
LES PANTINS COSMIQUES
(toujours pas lu avant)
Et toujours une oeuvre de jeunesse de Dick - où l'on retrouve les germes de ses livres futurs au sein d'une histoire courte (110 pages) et simple très fifties. Un argument de base qui rappelle certains épisodes de Twilight Zone (avec une explication finale à la "Dome" ! pour le coup, ce serait plutôt King qui se serait inspiré de Dick), plutôt plaisant, malheureusement plombé par des personnages sans intérêt et des digressions assez nases (les espèces de Dieux qui se bastonnent par l'intermédiaire d'une petite ville américaine, mouof).
Bon, il est temps d'attaquer les choses sérieuses avec "L'Oeil dans le Ciel" et "Le Temps Désarticulé" (un de mes Dick préférés). Les deux livres qui terminent cette première intégrale et marquent historiquement l'entrée de Dick dans la cour des grands après ces quelques galops d'essais (4 premiers livres bien sympas mais loin d'être géniaux; moins intéressants que la profusion de nouvelles du Dick de l'époque).
L'OEIL DANS LE CIEL
Comme je l'ai dit plus haut, ce livre s'est imposé au fil du temps comme le premier "pur Dick"; c'est même à la relecture une sorte de preemière version évidente de Ubik.
Le sujet, déjà, qu'on peut difficilement trouver plus Dickien : à la suite d'un accident dans un "Bévatron", un groupe de personne se retrouve projeté dans les univers mentaux successifs de chacun d'entre eux - alors que les secours interviennent dans le monde réel.
Dick nous balade alors dans des mondes plus délirants les uns que les autres, au gré des psychés bien barrées des personnages; et interroge évidemment la notion de réalité (ce qui sera encore plus prégnant dans le livre suivant).
Il ajoute à ça des aspects politiques - notamment une violente charge contre le Mac-Carthysme. Et emballe le tout avec un humour ravageur.
Ca reste moins puissant que les plus grands livres à venir, mais très accrocheur. Et ça fait du bien de (re)lire du Dick rempli de ses obsessions et thèmes - après les livres anecdotiques précédents.
LE TEMPS DESARTICULé
Là, c'est simple, c'est "The Truman Show" 40 ans avant ! On n'arrivera jamais à me faire croire d'ailleurs que Niccol et Weir n'avaient pas ce livre en tête quand ils ont fait le film avec Jim Carrey. Sauf que ça se double ici d'une histoire de guerre futuriste purement SF (et très ancrée dans son époque). Le twix est assez vite éventé, surtout quand on a l'habitude de Dick; mais ce sont tous les tenants et aboutissants de la chose qui font que le bouquin se tient. Et peut même se relire plusieurs fois (c'était ptet ma troisième; au moins la seconde, sûr). On y trouve toujours aussi l'arrière-fond politique indissociable des début de l'oeuvre de l'auteur, dans ses romans et nouvelles; qui se diluera un peu par la suite (et prendra une autre forme dans les délires mystiques de la fin de sa carrière).
Un autre de mes Dick préférés - et à mon avis une merveille.
Entamé la seconde intégrale des romans aux éditions J'ai Lu.
Avec dans ce volume une nouvelle préface excellente de Gérard Klein - qui développe cette fois-ci une biographie rapide de Dick, relevant les romans marquants, s'attardant sur la psyché compliquée de l'auteur et l'abordant sous un angle psychanalytique.
LES MARTEAUX DE VULCAIN
Dans sa préface, Klein aborde le fait que l'oeuvre de Dick est particulièrement difficile à appréhender d'un point de vue critique entre autres parce que le meilleur y cotoie d'indignes livres alimentaires. Celui-là fait malheureusement partie de cette catégorie - ce qui est d'autant plus décevant après les deux précédents, vraiment très bon (voir plus haut). C'est donc de la bête SF des fifties à la Van Vogt, qui semble écrite machinalement et ne développe pas grand-chose d'intéressant. On se dit surtout que ça aurait fait une bonne nouvelle comme Dick les alignait à l'époque, sur la moitié des pages de cette histoire interminable et sans rebondissements.
Pas mauvais ni désagréable, mais plus qu'anecdotique.
DOCTEUR FUTUR
Encore une petite chose anecdotique, petit livre de SF de 130 pages qui mange pas de pain. Toujours pas fondamental, mais plus plaisant que le précédent. Une histoire délirante de voyages dans le temps, avec des gens du futur qui veulent changer le passé au moment de la colonisation des indiens d'Amérique. Ca ressemble encore à une longue nouvelle et ça aurait pas forcément mérité d'être développé sous la forme d'un roman, même court. Mais Dick s'amuse à jouer avec ses paradoxes temporels, et il faut avouer qu'on s'amuse avec lui.
Enfin, ça marque le moment où il abandonne l'idée d'écrire des romanes "sérieux" et se consacre uniquement à la SF.
L'année suivante, il publiera "LE MAITRE DU HAUT CHATEAU" (ma prochaine lecture, donc, hors Intégrale) et obtiendra le prix Hugo. Ca a tout de suite une autre gueule ! (même si je suis moins gaga de ce livre - pas à la hauteur du mythe à mon avis - que d'autres qui suivront).
LE MAITRE DU HAUT CHATEAU
Le voilà donc, le "premier chef d'oeuvre de Dick", un de ses livres les plus célèbres, un monument de la science-fiction, et blablabla. Il est clair que, du point de vue de l'oeuvre, le livre restera comme celui qui l'a définitivement fait basculer dans le domaine des grands auteurs de SF (entre autres), et qui aura contribué à forger la réputation qui sera la sienne par la suite. De par son ambition, déjà - Dick voit ici beaucoup plus loin que ses "petites historiettes" précédentes. De par l'affirmation de ses thèmes de prédilection et de son style. De par son écriture, enfin - plus précise et rigoureuse.
Malgré ça, je n'avais pas été emballé outre mesure à la première lecture du livre, il y a bien longtemps maintenant. Il est probable que j'en attendais énormément et n'avait pas trouvé un livre à la hauteur de tous les lauriers qu'on lui tressait.
A la relecture, je comprends pourquoi cette déception (légère, cela dit - j'avais quand même aimé globalement le livre; sans le trouver aussi bon que d'autres à la réputation pourtant moindre). L'uchronie du livre, par exemple (pour rappel : ça se passe dans l'Amérique des années 60, dans un monde où Allemands et Japonais ont gagné la seconde guerre mondiale), n'est qu'une toile de fond à l'histoire, et n'est jamais passée au premier plan. A peu de choses près, le livre pourrait bien se dérouler dans n'importe quel univers SF un peu décalé par rapport au notre. Pareil pour les thèmes classiques de l'auteur comme la perception de la réalité, les univers parallèles, les simulacres et la notion de faux, ou ses éternels personnages de loosers pathétiques aux prises avec des événements qu'ils ne comprennent pas. Tout ça est traité de manière beaucoup plus légère, via un récit assez abstrait qui se déroule par petites touches modestes.
Je pense aussi que j'étais "trop jeune" à l'époque - et que pas mal de subtilités liées au déroulement de la seconde guerre mondiale m'avaient échappé. Je ne devais même pas savoir qui étaient Goering ou Borman, donc bon... (je vous rassure : Hitler, ça va, je voyais déjà bien !).
On devinera donc de ces lignes que j'ai bien plus aimé le livre lors de cette relecture - même si je pense toujours que ça n'atteint pas le niveau (il est vrai très élevé, il fait partie de mes 10 livres préférés) de Ubik. C'est le genre de livre "qu'il faut avoir lu"; mais ça va : on ne le regrette pas. Et on passe même plutôt un (très) bon moment en sa compagnie.
Toutes les implications du récit sont même assez vertigineuses - c'est juste un peu dommage que le style froid et "profil bas" de Dick ici ne rende pas toujours ce vertige si prégnant.
Chez "J'ai Lu Millénaires", le livre est présenté dans une traduction revue, qui fait beaucoup de bien au livre (les anciennes souffraient des traductions bâclées de la SF des années 60 en France). En bonus, une postface intéressant de Laurent Queyssi - qui analyse le livre en une petite dizaine de pages limpides (développant en partie ce que je dis ici, avec le côté habituel "béât devant le chédeuvre" en plus). Et les deux premiers chapitres d'une suite au roman que Dick a tenté d'écrire en 1964, sans jamais pouvoir aller plus loin. Pour éviter la frustration, je ne les ai pas lus in extenso, mais parcourus - et on imagine bien ce que Dick aurait pu faire de cette suite. Dommage qu'il n'ai pas poussé plus loin.
LE BAL DES SHIIZOS
(pas lu avant)
Retour aux Dick "modestes" de l'époque, après le pas franchi par "Le Maître du Haut-Chateau", celui-ci est intéressant surtout parce qu'il marque bien la période de transition pour l'auteur à ce moment là. On sent bien à la lecture qu'il reste encore sur les schémas de ses premiers romans de SF - en gros des nouvelles (comme il en écrit des tonnes à l'époque) allongées sur plus de pages. Mais en même temps, il fait montre d'une ambition supérieure dans les thèmes abordés, dans le récit, les personnages... Ca rend le livre plus intéressant qu'un "Docteur Futur" ou "Les Pantins Cosmiques"; mais pas pour autant un grand livre (et moins immédiatement plaisant que "L'oeil dans le ciel" ou "Le temps désarticulé").
Le titre français du livre est assez inapproprié : Dick nous décrit bien un monde futuriste (pour lui, parce quye ça se passe en 82 !) peuplé de malades mentaux, schizos et autres paranoïaques, qui sont soumis à une loi les obligeant à être soignés dans des cliniques spécialisées ou à l'extérieur. Mais ce n'est qu'une toile de fond, lui servant à développer à une échelle supérieure ses thèmes de prédilection. L'histoire est surtout articulée autour de la création de robots à l'identique des grands personnages du passé, et le titre original "We Can Build You" colle alors mieux (sans compter que les interrogations du personnage principal sur sa propre réalité vont aussi dans ce sens).
Il y a aussi, comme souvent chez Dick, un discours politique - notamment sur la lutte des classes - ici parfois trop appuyé et asséné lourdement.
Un bon Dick "première époque".
GLISSEMENT DE TEMPS SUR MARS
(je croyais l'avoir déjà lu, mais non - en tout cas ça me disait rien à cette lecture là)
Dick prolonge son roman précédent et transporte ses schizophrènes sur Mars, en y rajoutant un traitement révolutionnaire pour comprendre et soigner les autistes. La première moitié du livre suit la progression habituelle des premiers livres de l'auteur et comprend des thèmes récurrents, mais s'attache plus à imaginer la vie sur Mars devenue une colonie vers laquelle émigre la population d'une Terre surpeuplée. On est plus dans l'esprit des futurs auteurs de SF prospective à la Baxter ou KS Robinson (sans les aspects scientifiques).
Ensuite, il part bien dans ses délires avec différents niveaux de réalité, voyages dans le temps, malades mentaux mutants aux pouvoirs psychiques, histoire incarnant la lutte des classes transportée sur Mars...
Encore un bon Dick mélangeant aspects purement "aventure-SF" et réflexion propres à l'univers de l'auteur. Qui marque clairement la fin de la période pour Dick, qui va changer de statut et d'ambitions avec le succès et les prix du "Maitre du Haut-Chateau", et le suivant "Dr Bloodmoney".