Depuis quelques mois, la rumeurs circulait, faisant de GET OUT de Jordan Peele LE film d'horreur de cette année, le nouveau It Follows, tout ça tout ça. La presse, les festivaliers, le public américain qui s'est rué en masse dans les salles, tout le monde n'avait que ce titre à la bouche, préfigurant un (relatif) succès du film chez nous... et aussi peut-être une douche froide.
Il n'en est rien : le film est bien à la hauteur de la hyper qui l'entoure; et c'est tant mieux !
C'est un premier film d'un réalisateur à peu près inconnu chez nous, mais loin de l'être chez lui. Membre du duo comique Key and Peele, il s'est fait connaître par des sketches qui dézinguent le politiquement correct et s'attaquent au racisme américain-du-nord sans jamais épargner les noirs eux mêmes, ni les liberals anti-racistes qui ne valent guère mieux que les autres aux yeux du duo. En France, on a pu apercevoir les deux sympathiques métis dans la comédie Keanu distribuée en VOD - marrante, mais pas exceptionnelle.
Mais le nom le plus connu au générique est surtout celui de Jason Blum et sa boîte de production Blumhouse. Le gars derrière les franchises Insidious ou Paranormal activity, aussi derrière la renaissance de Shyamou via The Visit (beurk) et Split (yessssss !), sait toujours flairer les bons coups et entraîner le public dans de juteuses aventures horrifiques.
Justement, il y avait un risque que le film ne soit qu'un "coup" - par exemple un produit d'appel ciblant sépcifiquement les ados noirs américains; pas forcément le meilleur public pour le cinéma d'horreur. C'était peut-être l'idée de départ, mais en tout cas, le film fonctionne parfaitement auprès de tout le monde, n'est jamais racoleur, et ne surjoue jamais l'exploitation d'une niche ou d'un public-cible.
Et le concept du film est toujours exploité au maximum. Un film qui fonctionne d'ailleurs à de nombreux niveaux. Au premier degré, c'est évidemment un film d'horreur (d'angoisse, plutôt) formidablement efficace; qui aurait pu s'épargner quelques jump-scares faciles, mais n'en abuse pas (contrairement à d'autres productions maison), ce qui les rend plutôt réussis. La montée en puissance est savamment dosée, les effets bien gérés, et tout ça nous mène vers un final paroxystique/défoulatoire qui fait bien plaisir à voir. L'explication et les twists sont plutôt astucieux (même s'il y a un truc qu'on peut voir venir d'assez loin).
Mais, à la limite, ce n'est pas le film d'horreur qui est le plus intéressant, dans Get Out (même si on est bien content d'en voir un réussi, ce qui est devenu rare). Ce qui frappe à la vision du film, c'est plutôt toute la satire sociale, le film politique (pas très) caché en sous-texte, la vision d'une Amérique qui n'en a toujours pas fini avec la question raciale - et qui n'est pas près de le faire. Le fait de s'attaquer à ces sujets lourds loin du "film dossier" à charge, dans un environnement contemporain (c'est pas Selma ou les meufs blacks de la Nasa), via le prisme du cinéma de genre, permet de faire bien mieux passer le discours. Et de manière frontale, sans s'embarrasser de chichis.
Ne pas s'imaginer pour autant avoir affaire à un pensum lourdingue déguisé en film d'horreur.
Get Out est avant tout un tour de montagnes russes particulièrement jouissif, prenant, tendu, drôle par moments, grinçant, flippant. Avec des acteurs excellents, jeunes et moins jeunes. Solide dans sa mise en scène et tous ses aspects techniques.
Le fait qu'il y ait du fond le rend encore plus précieux. Et étonnant dans le contexte actuel du cinéma de divertissement.
Dernière édition par Phil le Ven 26 Aoû - 11:54, édité 2 fois