Top Films 2020

Le gouvernement ayant lancé (involontairement) la saison des tops annuels, le mien est quasi prêt.
Enfin, ce que j'ai pu en tirer en cette année exceptionnelle; mais pas dans le bon sens.

J'attends quand même de voir Soul, pour voir s'il s'insère dans la liste des 10 films déjà établie.

Le moment des traditionnels tops/flops et autres célébrations de fin d’année prend évidemment un tour particulier à l’issue de cet an 2020 qui restera même dans les livres d’histoire, pour les cinéphiles comme pour tout le monde.

Sept mois de fermeture des salles, des tas de films repoussés, d’autres tas sacrifiés et/ou sortis à la va-vite en streaming ou VOD, quasiment aucun blockbuster, pas grand-chose dans les autres secteurs non plus… Déjà le début d’année, avant la première vague de Covid, était morne et sans grand intérêt (mais, au moins, on avait l’espoir, vite déçu, de voir venir des trucs intéressants par la suite).
Même en ayant pris l’habitude en ce qui me concerne d’envisager une année ciné à travers toutes les sorties, quels que soient les supports, cet exercice festif auquel j’aime tellement m’appliquer à chaque fin décembre a un arrière-goût amer.

Après, on peut voir le bon côté des choses : ça a rarement été aussi facile d’établir un top 10 ! En fait, il s’est même imposé tout seul, en listant simplement ce que j’avais vu de mieux cette année, aboutissant à la double-poignée de film qui s’est instantanément dégagée.
ça a été plus difficile pour le flop, en fait : j’ai vu beaucoup de films en 2020, donc beaucoup de mauvais… mais la plupart, anciens ! Heureusement, on peut faire confiance à toute une bande de tocards pour dégager un ensemble de bouses, là aussi.

Allez, sur ces entrefaites, c'est parti !



Top


1/ ADIEU LES CONS – Albert Dupontel (France)



Après son « grand film commercial à Césars » qui m'avait déçu, Dupontel revient à ses fondamentaux, et reprend les choses là où l'excellent 9 Mois Ferme les avait laissées – à savoir du côté de sa comédie frondeuse de toujours, mais avec un supplément d'émotion (et de féminisme) bienvenu. Pour reprendre la phrase de son personnage dans son encore plus ancien Le Créateur : « On rit, on pleure, 1h30 de bonheur ! »


2/ LES ENFANTS DU TEMPS – Makoto Shinkaï (Japon)



Que pouvait faire Shinkaï après le triomphe (et la réussite) stratosphérique de Your Name ? Comme on ne change pas une équipe qui gagne, un peu la même chose. Mais, comme le gars est aussi exigeant et ne veut pas se limiter à tout le temps refaire le même truc, c'est un peu autre chose. En tout cas, encore une bombe, peut-être même encore meilleur que son film précédent.

3/ INVISIBLE MAN[b] de Leigh Whannel (USA)



Une production Blumhouse confiée à un jeune réalisateur à la mode dans le genre, qui plus est un énième remake d'un classique de l'horreur... Sur le papier, ce nouvel homme invisible puait un peu. À l'écran, on se retrouve avec une révision brillante de l'histoire, totalement modernisée, inventive et astucieuse. La mise en scène de Whannell joue habilement de l'invisibilité du méchant de l'histoire. Et le film s'avère un manifeste féministe bien plus efficace que les gros films de studio réalisés par des femmes qu'on nous survend comme tels.

4/ [b]EN AVANT – Dan Scanlon (USA)



On attendait Soul, on a eu Onward ! Pixar recycle le schéma classique de ses films d'animation (road-movie, quête de soi...), dans un monde de fantasy réaliste hyper bien tenu. Et accouche, encore une fois, d'une merveille totalement équilibrée, pleine d'émotion, de rire, d'émerveillement.

5/ LA DERNIERE VIE DE SIMON – Léo Karmann (France)



Mon gros coup de cœur de l'année. Une nouvelle tentative de faire du fantastique à la française, tout en jouant de références très précises, en l'occurrence les productions Amblin des années 80. Le genre de projet qui a donné des trucs infâmes ; en plus un premier film réalisé par le fils de Emile-le-Tueur. Eh bien, le petit gars s'en sort haut-la main – déployant son concept original jusqu'au bout, et distillant un émerveillement et une émotion rares.

6/ MADRE – Rodrigo Sogoroyen (Espagne)



Les 10 premières minutes sont un tour de force technique et narratif qui scotchent d'entrée le spectateur à son siège. Il est presque heureux, finalement, que la suite n'atteigne plus jamais la même force, parce que sinon ça aurait été littéralement insupportable. Reste que dans sa globalité, le nouveau film de Sogoroyen est un drame de haute tenue, et une fascinante démonstration de pur cinéma. On notera que le cinéaste espagnol est présent pour la troisième fois dans mon top annuel... en trois films !

7/ TENET – Christopher Nolan (USA)



Définitivement pas un des meilleurs films du réalisateur, des défauts flagrants, un certain côté décevant à la première vision, des procédés nolaniens qui tournent un peu vide et à la facilité... Mais aussi une proposition de cinéma comme on n'en voit que trop peu, des scènes démentes, une ambition folle qui porte parfois ses fruits. Typiquement le genre de film qui se bonifiera avec le temps; et qui est plus intéressant à cogiter qu'à voir.

8/ DRUNK – Thomas Vinterberg (Danemark)



Je ne m'étais jamais demandé ce que pourrait donner un “feel good movie” par le réalisateur de Festen; et d'ailleurs j'aurais trouvé l'idée totalement incongrue avant de voir son dernier film. Eh bien, l'expérience vaut d'être vécue ! On est évidemment loin d'un truc neuneu, et le film a un côté euphorisant et libérateur qui faisait un bien fou en cette fin d'année laborieuse.

9/ IP MAN 4 – Wilson Yip (Hong Kong)



Les 2 premiers films sur le “maître de Bruce Lee” du duo Wilson Yip/Donnie Yen étaient supers; le troisième raté... Ce quatrième et dernier opus revient au niveau des débuts. Gros film de bataille des pieds aux combats ahurissants, mais aussi beau drame et film politique. Le meilleur des deux mondes, en somme.


+

UN PAYS QUI SE TIENT SAGE - David Dufresnes (France)



Difficile de “quantifier” et classer le documentaire puissant de Dufresnes. Ce qui est certain, c'est que ça fait partie des grands moments de l'année au ciné – un film puissant, révoltant, qui claque comme une grenade de désencerclement et ne laisse pas indemne. D'autant plus dans le contexte “compliqué” de 2020.


Au rayon des films intéressants aussi, mais un peu en dessous de ceux du top, on trouve évidemment moins de films que d'habitude... Mais ils n'en sont pas moins notables, pour des raisons diverses.

LE CAS RICHARD JEWELL – Clint Eastwood (USA)
Bel exemple de la dissonance cognitive de son réalisateur réac, qui livre un nouveau film humaniste et anti-système flamboyant.

DARK WATERS – Todd Haynes (USA)
Un film-dossier à l'américaine typique, d'un classicisme qui n'a d'égal que son efficacité.

EFFACER L’HISTORIQUE – Kervern, Delépine (France)
Le duo de réalisateur continue de creuser son sillon dans la comédie sociale et politique, et s'attaque cette fois aux méfaits de la start-up nation. Toujours avec la même hargne salvatrice.

ETE 85 – François Ozon (France)
Quelques maladresses inhabituelles empêchent ce nouvel opus du français de figurer parmi ses franches réussites. Mais ne gâchent pas l'ensemble malgré tout.

FREAKS – Zach Lipowsky & Adam Stein (USA)
Un film fantastique étonnant et bien foutu, qui parvient à faire du neuf avec du vieux. Rare, en 2020 !

LUPIN III – THE FIRST – Takashi Yamazaki (Japon)
Première version en images de synthèse du personnage de Edgar de la Cambriole, mais un film tout aussi ébouriffant et déjanté que ses prédécesseurs.

PENINSULA – Yeon Song-Ho (Corée)
Moins bien que le premier, d'une portée politique moindre. Mais le film va chercher ailleurs, du côté de l'actioner fun et bourrin. Et de ce point de vue, ça fonctionne parfaitement.

SOUL – Pete Docter (USA)
De gros défauts qui l'empêchent d'atteindre la hauteur de ses ambitions. Et aussi de grosses qualités qui en font un spectacle souvent enthousiasmant. Et une B.O. Qui surbute (dans sa partie électro)

LES TRADUCTEURS – Régis Roinsard (France)
Bon petit polar français astucieux reposant sur un bon concept et un aspect ludique à la Cluedo géant.

(J'avais aussi mis le Mank de Fincher dans la shortlist, enlevé au dernier moment. On ne peut pas le passer sous silence, ne serait-ce que pour ses immenses qualités visuelles. Mais j'ai aussi trop de choses à lui reprocher, finalement).


Au rayon des reprises, même s’il y a eu plein de films qui ont été rejoués dans les périodes de déconfinement et d’ouverture des cinés, je ne noterai que le grandiose AKIRA de Katsuhiro Otomo (Japon)




Flops


1/ BIRDS OF PREY – Cathy Yan (USA)
J'aimais déjà pas Suicide Squad[i] – comme à peu près tout le monde, en fait. Eh bien ce nouveau film entièrement centré sur l'insupportable (mais bonne – bonjour pour la portée féministe du film) Harley Quinn parvient à faire encore pire ! Du sous [i]Kick Ass / John Wick aussi con que visuellement laid.

2/ VOYAGE VERS LA LUNE – Glen Keane, John Karns (Chine/USA)
On pensait avoir atteint le fond avec les pires opus de Disney aux chansons insupportables... Jusqu'à la vision de cette horreur netflixienne qui est une torture pour les yeux, et surtout pour les oreilles. De quoi se castrer pour éviter d'avoir des enfants et s'infliger cette merde avec eux.

3/ ELEONORE – Amro Hamzaoui (France)
Un film à la gloire de Nora Hamzaoui, offert par son frère (dont on ne connaissait pas l'existence avant ce truc). Ben on se demande comment ça se passe, dans la famille, si c'est pour se faire ce genre de cadeau. Le niveau zéro de la comédie, le niveau -1 de la peinture de personnage féminin, le niveau -900 du cinéma.

4/ BLOODSHOT – David SF Wilson (USA)
En cette fin d'année, plusieurs mois après m'être infligé ce film d'action indigent et ridicule avec un Vin Diesel est mode absent (Vin Diesel, quoi), je n'en ai à peu près aucun souvenir. Si ce n'est que c'était de la vraie grosse bouse.

5/ ARTEMIS FOWL – Kenneth Branagh (USA)
La crise du Covid-19 nous aura évité cet étron sur grand écran. Mais aura surtout fourni une excuse à Disney pour s'en débarrasser discrètement. On imagine la tête des producteurs qui pensaient tenir une nouvelle franchise à la Harry Potter, confié à un réalisateur renommé, et qui se sont retrouvés devant ce machin irregardable réalisé par le cinquième stagiaire en plateau.

6/ MULAN – Niki Caro (USA/Chine)
Et encore un truc qui a débarqué sur Disney+ à la faveur de la crise ! Bon, là, c'est un accident industriel – le film étaient bien conçu comme un grand spectacle destiné au grand écran. On pourrait même leur accorder le fait que, contrairement aux précédents horribles type Le Roi Lion, ils ne se sont pas contenté cette fois d'un remake live plan-plan. Mais si c'était pour nous balancer un tel ratage, jamais spectaculaire, jamais épique, jamais drôle, jamais émouvant; c'était pas la peine.

7/ UNDERWATER – William Eubank (USA)
Je me sens un peu seul sur ce coup : le film a été plutôt bien accueilli globalement par la communauté fantasticophile française. Ben moi je me suis bien emmerdé, et j'ai trouvé ça ridicule. Et puis, si c'est pour voir Alien et Abyss mal refaits, c'est bon, j'ai les originaux mortels à la maison.

8/ MIDNIGHT RUNNER – Hanes Baumgartner (Suisse)
Vendu comme un film de serial killer titré d'une histoire vraie, c'est surtout un drame chiantissime et moche, qui ne s'active vaguement que dans les 5 dernières minutes. Revoyez plutôt un vieux Raymond Souplex (bonne blague de boomer, ça)

9/ LETTRE A FRANCO – Alejandro Amenabar (Espagne)
A une époque, Amenabar était le fer de lance du renouveau du cinéma de genre espagnol. Mais ça, c'était avant qu'il se fasse récupérer et hérite de ce drame académique jamais prenant et jamais intéressant. En plus d'enfoncer au marteau des évidences évidentes (la guerre, c'est mal, Franco c'était un méchant, et blablabla).

10/ RADIOACTIVE – Marjane Satrapi (France)
Dans le genre “j'enfonce des portes ouvertes”, celui-ci se pose là, aussi ! En voulant porter un regard moderne sur une époque ancienne, et utiliser un personnage d'il y a 100 ans pour parler des femmes d'aujourd'hui, Satrapi accumule les bourdes et se plante dans les grandes largeurs. Pire : les idées cinématographiques utilisées pour dynamiter une histoire terre-à-terre tournent le plus souvent au ridicule le plus achevé.


Même pas vraiment de déceptions notables, vu la pauvreté de l’actualité de l’année.
Et le fait que je n’attendais pas grand-chose de 2020 à la base, déjà.