Bon, allez, histoire de ne pas passer encore une fois pour l’éternel râleur qui a perdu son âme d’enfant*, commençons par les points positifs de ce dernier volet de la trilogie du
Hobbit par
Peter Jackson. Enfin, autre que le fait que c’est le dernier et qu’on n’aura plus à se forcer à aller voir ces films foireux à l’avenir. Et que celui-ci ne dure « que » 2h20 (qui paraissent quand même longuettes), ce qui permet de s’emmerder 30 minutes de moins qu’aux précédents
Alors voilà : tout le début avec
Smaug est très bien. Et la longue séquence de baston sur la neige est très bien aussi. Au moins dans ces deux moments, on retrouve la grandeur et le côté épique de la trilogie du
Seigneur des Anneaux, qui manquent cruellement à ces Hobbits depuis le début. La réalisation de Jackson est aussi un peu plus pensée, et recourt moins à ses effets lassants des films précédents (filmage d’hélico non-stop, décadrages soudains…). C’est aussi assez violent, plus que d’habitude ; et il y a des morts chez les personnages principaux, et même de l’émotion à la fin. Fin, d’ailleurs, qui doit durer moitié moins que celle du
Retour du Roi, ce qui est toujours ça de pris là aussi.
Voilà… c’est à peu près tout. Non, pourquoi « à peu près » ? C’est tout, en fait !
Ce qui fait bien peu.
Et la fameuse bataille du titre, dans tout ça ? Ben si on vire les plans numériques moches des armées qui se foutent sur la gueule – à part servir de bande-démo pour les versions 2.0 des logiciels de WETA, aucun intérêt – c’est surtout une suite de petites bastons isolées entre divers protagonistes. Entrecoupées de grandes déclamations lyriques assénées avec un sérieux et une emphase qui provoquent instantanément l’effet inverse : on n’arrête pas de se marrer.
Et surtout, ça ne sauve pas le film et ne rattrape pas tous les points négatifs. Criants ici, et extensibles à toute la trilogie, du coup.
J’ai l’occasion de le redire une dernière fois, donc je ne me gêne pas : quelle idée à la con d’adapter ce petit livre qu’est
Bilbo le Hobbit en trois longs films ! Les problèmes narratifs sont ici dramatiques : rien ne se tient, tout se traîne en longueur, on a l’impression d’assister à un épisode de série télé isolé des épisodes précédents et suivants, les ajouts sont crétins (l’histoire d’amour elfe/nain entre autres) et les manques manquent vraiment. La première séquence avec Smaug aurait dû être à la fin du film précédent, s’il n’avait pas fallu faire un cliffhanger commercial. Là, on entre brutalement dans le film en plein milieu d’une séquence, et le personnage le plus intéressant de toute la trilogie meurt au bout de 10 minutes !
L’écriture est déjà besogneuse, mais Jackson et ses co-scénaristes se sont en plus mis en tête de boucler avec LOTR (ce qui n’est pas le cas dans le livre) ! On a alors droit à des scènes totalement artificielles et inutiles, qui n’apportent rien d’autre que des clins d’œil lourdauds vers les fans de « la trilogie précédente qui suit ». Faudrait dire à Peter d’arrêter de se prendre pour Lucas et sa prélogie de merde. Enfin, ça nous donne l’occasion de voir l’effet spécial le plus dramatique de l’histoire dans un film au budget astronomique, l’apparition de Sauron qui sert à rien et qui fait mal aux yeux (et beaucoup rire, aussi). Et le summum de la réplique inutile de Thranduil à Legolas, genre « va dans le nord, tu vas rencontrer Aragorn fils d’Arathorn dans 100 ans »…
Il faut ajouter à ça cette capacité hallucinante qu’à Jackson depuis trois films a systématiquement foirer la fin de chaque scène. En faisant trop long, en exagérant, ou surtout en rajoutant des gags merdeux. Voir par exemple Legolas jouant à
Mario Bros en sautant sur les cailloux à la fin de sa baston avec l’orque ; j’en ai encore des crampes au bide ! Ou la énième intervention du mec au lapin. Ou le personnage merdeux du lâche qui ne pense qu’à l’or. J’en passe, et des pires.
On pourrait en remettre une louche aussi sur les acteurs uniformément mauvais (
Cate Blanchett, Ian MacKellen, la plupart des nains…) ou qui ont l’air de s’emmerder autant que le spectateur (
Martin Freeman qui se demande tout le film ce qu’il fout là). Sur la musique absolument pas inspirée d’
Howard Shore qui se contente de s’auto-citer à tout bout de champs. D’ailleurs, la feignantise et la facilité sont le lot commun à tous les niveaux, tant personne ne semble s’être cassé le cul à sortir de sa routine bien rôdée au bout de 6 films maintenant.
Mais tout ça, c’est pas grave finalement…. Pas grave face à l’autre péché originel du film, le plus nocif : le fait que le film qu’on voit sur la plupart de nos écrans depuis hier n’est qu’une version « digest » du vrai film. Le Hobbit tel que conçu par Peter Jackson, c’est la version longue du film, projetée en 3D 48 images par secondes. Or, la grande majorité des gens va le voir éventuellement en 3D mais plus souvent à plat, en 24 images secondes, et de toute façon dans sa « version cinéma » (je me plains pas : au moins j’ai eu la VO, déjà !). Et va donc voir un film auquel il manque des morceaux entiers, dont les personnages apparaissent et disparaissent sans raison, dont les enjeux dramatiques sont mal posés (voire pas posés). Et surtout un film moche – image sombre, effets mal incrustés, mouvements de caméra flous…
De qui se moque-t-on ? Quand James Cameron fait
Avatar, le film est aussi regardable en 2D dans une salle « normale ». Quand
Fincher expérimente une caméra numérique dernière génération, son film est regardable sur n’importe quel support. Si Jackson n’est pas capable de tirer quelque-chose de transportable avec son standard numérique hyper-moderne-mon-cul, qu’il se débrouille autrement ! Si toutes les salles étaient équipées pour ça, je dis pas, mais là… Et dire qu’il s’en trouve des tas pour critiquer les films de Nolan ; au moins son
Interstellar est visible n’importe où dans n’importe quelle condition ! Pour ça, il faut aussi avoir le « courage » (hallucinant d’avoir à employer un tel mot dans ce cadre) de ne pas faire la course à la technologie…
Bon, ça nous fait du 2/6, tout ça, quoi ! (comme les deux autres films – et bien loin loin loin de LOTR).
*à ce propos, je me faisais justement une réflexion pendant le film : les enfants aiment les histoires bien racontées, avec une narration logique où tout s’enchaîne et où les personnages et péripéties ne sont pas une fin en soi mais participent à la cohérence de l’ensemble. Donc tout le contraire de ces films !