Pour son premier festival musical, avec papa et maman, notre naine aura donc vécu un vrai festival digne de ce nom : sous la pluie, dans la boue, et avec de la musique qui bute ! Si la pluie était légère à notre arrivée sur le site vers 16h et s’est vite arrêtée (à part quelques passages bruineux sans conséquences), la boue va nous pourrir les pompes et nous obliger à nous asseoir sur des sacs poubelles du début à la fin. Et heureusement, la bonne musique sera au rendez-vous (mais la mauvaise aussi lors d’un intermède funeste, on le verra plus tard).
Après avoir garé la voiture, je rejoins les meufs vers la scène où se produit Wall of Death, encore un groupe français chantant en anglais (ça me pose aucun problème philosophique dans l’absolu – mais il faut reconnaître que ça devient lourdingue par son systématisme). En l’occurrence, un trio parisien à la composition relativement originale guitare/batterie/synthés, jouant un rock planant et psychédélique fortement influencé par Pink Floyd et autres groupes dans le même genre des années 70. Qui fait donc aussi forcément penser à Archive. S’ils n’ont évidemment n’ont évidemment pas encore la prestance de leurs glorieux aînés, la surprise de cette découverte est bonne. Et le groupe nous fait bien entamer cette journée, même si on le suit de trois paires d’oreilles un peu distraites.
Ayant une heure à patienter avant notre premier concert attendu de la journée, on en passe une partie sur la scène de l’Industrie en compagnie de Mac Miller. « Une partie » seulement, parce que le mec est quand même un rappeur, donc faut pas abuser non plus ! Bon, c’est un peu à chier, surtout au niveau des paroles qui tournent en boucle autour de thèmes aussi importants que lever les mains en l’air ou sauter sur place ; c’est clair surtout que quand on n’y connaît rien à cette musique et qu’on s’en tamponne le marion coquillard, on voit pas bien la différence entre ça et n’importe quel truc qui passe sur NRJ12. Mais il y a une bonne ambiance dans le public, et Lilith s’éclate à lever les bras et faire sa rappeuse super « street crédible » avec son bronzage et son k-way rose.
Assez rapidement (même si on resté trop longtemps devant ce truc), on s’éloigne tranquillou vers la grande scène ou se prépare le concert de Eels. Avec Mr Everett et son groupe, impossible de savoir à l’avance ce qu’on va voir et entendre, d’autant plus en festival (j’ai lu après coup que pour ce genre de concert, ils ne répètent pas et y vont au feeling suivant l’envie du jour). Et un peu comme Beck qu’on avait vu ici il y a quelques années, l’artiste est tellement multicartes et varié qu’il choisit souvent de faire des concerts « à thèmes » en piochant dans son répertoire fourni ce qui va coller au concept. Là, ce sera 1 heure de rock pur et dur, solide et poisseux – de quoi venger de l’infâme brouet de BRMC la veille. Quasiment que des compositions récentes, donc, une reprise de Fleetwood Mac, et peu de chances d’entendre un [i}]Novocaïne for the Soul[/i] (qu’on n’aura pas en effet). Un peu déroutant, du coup, surtout qu’on connaît très peu les derniers albums – mais la présence du chanteur et de son groupe sur scène, la qualité des interprétations, le gros délire et les petites blagues de E, emportent tout sur leur passage. Tout le groupe est habillé du même survet’ Adidas bleu, avec les mêmes lunettes de soleil et même une barbe uniforme, ce qui provoque déjà l’hilarité à la base. Et de beaux effets de scène notamment lorsqu’ils sont tous alignés pour balancer du gros son. Après une présentation du groupe se terminant sur une reprise de Let it Be chantée « Let it E », Eels enflamme le public avec (enfin !) un morceau culte, le grandiose Souljacker, dans une version étendu qui déchire tout. Et conclut son set sur un « mash-up » génial de deux anciennes chansons (“We would like to play two more songs, but we’ve been said that we only had time for one… don’t kill the messenger ! What we are going to do, is to play a mash-up of these songs”). Très bon moment (et puis c’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de voir Eels en live) – on aurait pu préférer un set avec plein de chansons méga connues, mais ce refus de l’évidence apportait finalement tout son prix à la performance.
Setlist :
Cancer for the Cure
Kinda Fuzzy
Open My Present
Oh Well (Fleetwood Mac cover)
Dirty Girl
Peach Blossom
Prizefighter
Fresh Feeling
Fresh Blood
That Look You Give That Guy
Let it "E" (The Beatles cover)
Go Knuckles!
Souljacker, Part I
Wonderful, Glorious
My Beloved Monster / Mr. E's Beautiful Blues
A peine le concert de Eels terminé, on revient en quatrième vitesse vers notre scène précédente, vu que s’y enchaîne directement un autre concert attendu de la journée. De fait, on entend sur le chemin que le set de Skip the Use a déjà débuté avec les grosses basses et guitares du morceau d’entame de leur album Can’t Be Late. Lorsqu’on arrive et qu’on se pose loin de la scène vu la foule amassée, cette première chanson est déjà presque terminée – mais Lilith est déjà ravie de voir un groupe qu’elle aime en concert (on lui a annoncé une autre grosse surprise en fin de soirée). On suivra le concert de loin, mais bien tranquilles à l’abri des dangereux pogotteurs et des perforations de tympans – tout en en profitant au maximum vu le gros son que le groupe déploie. Comme on pouvait s’y attendre, STU déborde d’énergie et envoie du lourd. La force des chansons en versions studio explose totalement sur scène, et le groupe est taillé pour la performance live. En plus du déferlement de décibels, le chanteur saute dans tous les sens et se démène à fond. Même une chanson relativement calme comme la très attendue Ghosts ressort là de manière plus âpre et sauvage. Chanson qui sera évidemment un des grands moments du set, reprise en chœur par un public aux anges. D’autres chansons de l’album, comme Deeper Underground se verront offrir des versions boostées pour la scène. On a eu aussi quelques chansons que je ne connaissais pas, probablement extraite du deuxième album en cours d’enregistrement – c’était là le dernier concert de la longue tournée qui a vu le groupe exploser.
Car Skip The Use, c’est aussi l’histoire d’une consécration assez incroyable dans l’univers du rock français des années 2010. Celle d’une bande de banlieusards lillois aux accents « caillera du nord » à couper au couteau qui sort un premier album explosif sans concessions et parvient à cartonner auprès un public large regroupant amateurs de rock pur et dur et grand public, vend des tonnes de disques en pleine crise, remporte des prix un peu partout… 5 gars un peu étonnés de se retrouver là et qui ne demandent qu’à s’éclater avec leur public en profitant de la chance qui leur est offerte de le faire dans les meilleures conditions possibles. Une sorte de sincérité naïve et raffraichissante qui se ressent dans leur plaisir à foutre le feu sur scène et dans les interventions du leader « Matt Bastard » entre les morceaux (on se serait cru revenus au concert de rappeur d’avant avec tous ces gros mots et phrases à l’emporte-pièce ).
Le show s’achève dans le délire total avec un excellente reprise du Smells Like Teen Spirit de Nirvana qui jette la foule dans un délire hystérique ; et la dernière chanson de l’album, Bastard’s song., parfaite pour conclure pied au plancher et en apothéose.
Rien de bien intéressant à suivre en patientant jusqu’au dernier concert tant attendu de la journée, on en profite pour se sustenter. Evidemment, junk food de festival au menu à base de hamburgers et kebab bien digestes et de frites à la graisse de phoque. Plus des boissons pour lesquelles les filles doivent quémander parce qu’il nous reste tout juste de quoi les payer sans tenir compte de la consigne des verres… On mange dans un coin de pelouse un peu en retrait en subissant vaguement les assauts technoïdes horribles de The Bloody Beetroots, un groupe italien qu’on pourrait penser influencé par David Guetta et le pire de l’italo-dance, qui nous pourrit bien les oreilles, même si on est pas à côté. (en plus, ils ont bien un nom à la con…).
En allant chercher les boissons, on subit aussi un peu de Asap rocky, encore un truc de rap de merde, plus électro que la moyenne mais tout aussi inintéressant.
Il nous reste alors une quarantaine de minutes à attendre lorsqu’on s’installe sur le pré devant la grande scène du festival, pour la conclusion de 3 jours de musique et d’émotions intenses. On pose nos culs sur des sac poubelles pour patienter assez loin de la scène, histoire d’épargner les oreilles de Lilith et les assauts d’Actarus dans le ventre de sa maman – au grand dam de la naine qui, du haut de ses 5 ans et demi, voudrait s’approcher au plus près de la scène pour « mieux voir et être avec les gens » ! Mandieu, ma fille est déjà folle…
Lorsque les lumières s’éteignent à 21h45 tout pile, que le groupe arrive sur scène et que la clameur du public enfle, on comprend qu’on a bien fait de se mettre loin (ce dont on se doutait bien). Au bout d’une heure vingt de déflagration sonore intense et de vues sur les écrans d’un public surexcité, on se dit que c’était même une question de survie !
System of a Down, donc, qui fermait ce Rock en Seine 2013 avec une unique date en France cet été, avait tout de l’événement attendu de pied ferme, notamment par les fans de gros métal qui tâche. D’autant plus pour un groupe mort-vivant, d’autant plus vu leur statut à part dans le paysage hardos… Pour ma part, c’était un des rares parmi mes groupes que je n’avais pas encore vu en live (du fait surtout que je suis fan depuis relativement peu de temps). Je sais que le choc attendu s’est révélé à la hauteur ; je pense pouvoir dire au vu des réactions du public et sur le net aujourd’hui que ça a été le cas pour tout le monde !
Ouvrant leur set avec l’excellente Aerials, ils ont tout de suite annoncé la couleur : ça allait être puissant, violent, sombre, agressif, lyrique… La chanson mélange déjà toute la panoplie du groupe, il ne reste plus qu’à dérouler, morceau par morceau, dans un enchaînement implacable pareil à un rouleau compresseur - chansons courtes, aucun temps mort, pas de parlottes ; que des uppercuts qu’on prend (avec la banane) en pleine tronche. Les chansons ultra-violentes telles Prison Song, Deer Dance, I-E-A-I-A-I-O, DDevil et autres sont assénées impitoyablement à un public en transe qui en redemande encore. Les bombes nucléaires des albums genre B.Y.O.B. ou Hypnotize sont encore plus abrasives sur scène.
Le decorum est simpliste – juste un grand drap au fond avec le nom du groupe, et les habituels tapis persans au sol pour chacun des membres ; les jeux de lumière réduit à leur strict aspect utilitaire. Pas de mise en scène, tout ce qui compte, ce sont les 3 musiciens et le gourou Serj Tankian qui se déchaînent sur la scène. Le son, par contre, est très travaillé – d’une lourdeur impressionnante (la basse menace constamment de provoquer des tremblements de terre, la guitare d’exploser les enceintes, la batterie de s’enfoncer dans le sol à force d’être martelée). C’est du bourinage à haute densité, et pourtant – comme sur les albums – il en ressort une dimension au-delà de la simple violence, ce qui fait la spécificité d’un groupe définitivement différent de ses confrères métalleux.
La splendide ballade Lost in Hollywood constitue une respiration bienvenue, dont le public reprend en chœur les refrain. Avant de repartir vers d’autres expérimentations violentes culminant en un Psycho introduit de façon marrante par « I Feel Love » de Donna Summer. Et surtout avec la chanson que tout le monde attendait : l’immense Chop Suey – un des morceaux les plus dingues que je connaisse, chanson extraordinaire qui est évidemment un très grand moment en live. Lilith, qui adore aussi la chanson, se lâche complètement, en courant et sautant dans tous les sens et en gueulant comme la grosse chtarbée qu’elle est ! Placer juste après l’autre grand « slow » du groupe, la splendide itou Lonely Day, frise le coup de génie.
Après ça, le concert se termine par une nouvelle avalanche de chansons hyper speed qui laissent sur le cul. Perso, j’aurais terminé par Toxicity, livrée dans une excellente version – plus appropriée qu’une Sugar que j’aime bien mais qui manque de grandeur en comparaison. Mais rien de bien grave : lorsque SOAD quitte la scène sur de gros larsens et un son de basse qui tient sur 2-3 minutes, ils laissent un public lessivé mais aux anges, convaincu d’avoir assisté à une performance incroyable.
Le retour à la voiture est difficile. Physiquement pour une naine et une femme enceinte + un gars qui s’est dépensé dans la fosse les deux jours précédents et à porter sa fille celui-là. Et mentalement, avec le retour dans le monde réel.
Ca faisait pas mal d’années qu’on n’était pas revenus à Rock en Seine – du fait surtout que le festival est cher, pour une programmation exigeante mais qui ne nous semblait pas être à la hauteur de l’investissement. Avec la programmation de cette année, c’était l’occasion d’y remettre les pieds, et je ne le regrette pas. Le concert de NIN, évidemment, absolument énorme ; ceux des 2 autres têtes d’affiche ; quelques autres bien explosifs ; l’aventure du dernier jour avec Lilith… tout ça restera bien comme un grand moment qu’il ne fallait pas louper.[/b]