LA TORTUE ROUGE (sortie : mercredi, vu en avant-première ce soir) est un film étonnant à plus d'un titre. Premier long (après plusieurs courts-métrages d'animation remarqués) du hollandais
Michael Dudo de Wit, il a été conçu et réalisé en France, avec la participation d'autres pays d'Europe, et est produit par le Studio Ghibli ! Le réalisateur nous expliquait avant le film que c'est le glorieux studio japonais qui l'a contacté il y a 10 ans pour mettre en branle ce chantier; et qu'il a mis plusieurs mois à redescendre sur terre. Tu m'étonnes !
Ajoutons à ça qu'il s'agit d'animation traditionnelle, en ce temps d'image de synthèse reine.
Et que le film ne contient pas une seule parole; misant tous ses effets sur la force de l'image, sa réalisation, les bruitages, et une musique splendide.
ça commence à faire beaucoup.
Beaucoup de talents et d'idées conceptuelles curieuses, au service d'un film qui mise tout sur la poésie, la beauté, la contemplation.
Et, de fait, c'est parfois trop. Heureusement que ça ne dure qu'une heure vingt, parce que ça aurait risqué d'être assez chiant, sinon. Pendant la première heure, surtout, il y a quelques défauts qui font tâche. On s'ennuie parfois, tout n'est pas très logique, la narration est un peu lâche. Ce n'est pas bien grave, comparé au choc visuel et auditif du film, mais ça empêche le projet du réalisateur de fonctionner parfaitement. Pas auprès de tout le monde, apparemment, s'i lfaut en croire les dithyrambiques critiques ayant suivi la présentation du film à Cannes dans la section
Un Certain Regard. Ou les applaudissements à la fin de la séance.
Mais en ce qui me concerne, le film, au moins jusqu'au trois quarts, ne mérite pas une telle extase.
C'est alors qu'arrive la dernière partie du film. Totalement prévisible - j'aurais pu décrire ce qui allait se passer à chaque début de scène.
Et pourtant, ça fonctionne parfaitement. L'émotion naît, puis submerge le spectateur. Prévoir une hausse de l'action de Kleenex à cette occasion; en ces temps de crise, ça fait jamais de mal.
20 dernières minutes magnifiques et émouvantes, qui font ressortir de la salle en ayant presque oublié que tout ce qui précède n'est pas aussi top.
En l'état, pas une franche réussite, donc, et un film déséquilibré.
Mais néanmoins un film à voir, parce que ça change du tout-venant du cinéma d'animation. C'est même assez différent des productions Ghibli habituelles, ou des films d'animation "de qualité française"; tout en étant finalement dans le même esprit. Un film original, donc, qui réserve quelques séquences fortes (les rêves, le tsunami, la chute du petit enfants dans l'eau et sa rencontre avec les tortues etc), de vrais moments de poésie, et une fin crève-coeur.
Note = 4/6