Une bonne analyse dans Libé ("Je ne suis plus un président socialiste" - ça m'étonne que tout le monde n'en fasse pas des gorges chaudes aujourd'hui !) :
Il y a dans ce «je ne suis plus un président socialiste» matière à de lourdes questions. L’aveu présidentiel, jeudi soir sur France 2, annonce-t-il un tournant dans la politique du gouvernement ? Ou confesse-t-il un simple constat en conformité avec une politique, que la gauche de la gauche, ne cesse de vilipender comme une petite fille du sarkozysme ? Bref, à la lumière de son passage télévisuel, Français Hollande et sa politique sont-ils encore de gauche ?
Hier le Président de la République n’a annoncé ni renoncement, ni volte-face. Il a confirmé sa taxe sur les 75% (mais elle sera payée par les entreprises), le non cumul des mandats (mais pour application en 2017), et fait comprendre qu’il se rangerait derrière l’avis du Comité national consultatif d’éthique pour la PMA. Ce qui pour François Hollande est tout sauf une surprise, puisqu’il n’a jamais cessé d’entretenir l’ambiguïté sur cette question. Enfin en matière de politique économique, le chef de l’Etat a assumé une parfaite continuité : aussi bien dans ses réformes et que leur tempo d’application. «Toute la boîte à outils est là» a-t-il professé.
Alors qu’est ce qui donne à son intervention un arrière goût de gauche honteuse, qui a du mal à s’assumer ? Hier, Hollande a pris un soin scrupuleux à dépolitiser entièrement son discours. Sa politique n’était plus qu’une simple «boîte à outils». Plus étrange, le mécanicien en chef a même oublié ce qu’il n’avait jamais cessé de marteler depuis son entrée en fonction : son obsession d’un «redressement dans la justice». Le mot justice n’a pas (ou très peu) été prononcé.Et alors que la deuxième partie du quinquennat devait être celle de «la redistribution» ou du «partage des fruits d’une croissance retrouvée», Hollande lui a donné hier un autre nom : celle du «dépassement». On conviendra que la coloration du mot n’annonce pas de grands soirs sociaux.
L’ex candidat socialiste a même parfois donné l’impression d’abdiquer. Il n’a pas eu un mot pour la classe ouvrière ou les chômeurs. Il n’a même pas cherché à démontrer (et pourtant il y avait matière) qu’entre sa politique de rigueur et celle qui sévit aujourd’hui en Europe du Sud, il n’y a pas grand chose de comparable. Il a même laissé entendre que si le pouvoir d’achat a baissé, c’est bien à cause de lui. Sans même chercher à rappeler que l’effort réclamé aux plus aisés a tout de même été beaucoup plus lourd que celui demandé aux classes populaires et moyennes. «Il y a beaucoup de petites taxes, j’en conviens», a-t-il dit. Et d’ajouter : «J’ai toujours dit que sera difficile pour tout le monde.» Hollande n’aurait pas eu le choix : «sinon celui de laisser filer les déficits». Entre pouvoir d’achat et rétablissement des comptes publics, Hollande a toujours dit (y compris dans sa campagne) qu’il choisissait ce dernier. En tout cas dans l’ordre des priorités chronologiques. Ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est aujourd’hui c’est que le Président de la République ne cherche même plus à l’habiller avec des mots de gauche.
D'étranges échos sarkozystes
Là où le cas Hollande se corse, c’est que ses annonces d'hier avaient d'étranges échos sarkozystes. Alors que la gauche de la gauche appelle à une véritable politique de relance, Hollande répond par un choc de simplification des normes pour les entreprises. C’est-à-dire ce à quoi avait appelé Sarkozy dans la campagne. Autre emprunt à l’ex-Président: l’allègement de la fiscalité sur la transmission d’entreprise, ou encore le déblocage de la participation. A l’époque, la gauche s’amusait à railler un mesure révélatrice d’une impuissance. Aujourd’hui elle se retrouve au cœur du programme de leur Président. Enfin, Hollande a dessiné les contours d’une réforme des retraites. Et la droite (si elle était honnête) n’aurait rien à en redire. Sans grande surprise, il a préparé les esprits à un allongement de la durée de cotisation, compte tenu de l’allongement de la durée de la vie. Ce n’est pas une trahison à la gauche. Cela fait des années que la CFDT défend cette ligne. Le Parti socialiste s’y range maintenant doucement. Là où le chef de l’Etat a pu paraître décevant c’est qu’il n' a pas pris la peine d’expliquer à quoi pourrait ressembler une réforme des retraites de gauche. Certes, il ne touchera pas aux petites retraites. Mais ça aussi, Nicolas Sarkozy l’avait promis.
Finalement, Hollande a retrouvé des couleurs politiques quand il s’est mis à parler d’Europe. «Etre dans l’austérité, c’est condamner l’Europe à l’explosion (…). Aujourd’hui prolonger l’austérité, c’est prendre le risque de ne pas aboutir à réduire les déficits et la certitude d’avoir des gouvernements impopulaires, dont les populistes feront une bouchée le moment de venu.» C’était déjà ça. Mais en une heure et demi d’émission, c’est peu.
Il y a dans ce «je ne suis plus un président socialiste» matière à de lourdes questions. L’aveu présidentiel, jeudi soir sur France 2, annonce-t-il un tournant dans la politique du gouvernement ? Ou confesse-t-il un simple constat en conformité avec une politique, que la gauche de la gauche, ne cesse de vilipender comme une petite fille du sarkozysme ? Bref, à la lumière de son passage télévisuel, Français Hollande et sa politique sont-ils encore de gauche ?
Hier le Président de la République n’a annoncé ni renoncement, ni volte-face. Il a confirmé sa taxe sur les 75% (mais elle sera payée par les entreprises), le non cumul des mandats (mais pour application en 2017), et fait comprendre qu’il se rangerait derrière l’avis du Comité national consultatif d’éthique pour la PMA. Ce qui pour François Hollande est tout sauf une surprise, puisqu’il n’a jamais cessé d’entretenir l’ambiguïté sur cette question. Enfin en matière de politique économique, le chef de l’Etat a assumé une parfaite continuité : aussi bien dans ses réformes et que leur tempo d’application. «Toute la boîte à outils est là» a-t-il professé.
Alors qu’est ce qui donne à son intervention un arrière goût de gauche honteuse, qui a du mal à s’assumer ? Hier, Hollande a pris un soin scrupuleux à dépolitiser entièrement son discours. Sa politique n’était plus qu’une simple «boîte à outils». Plus étrange, le mécanicien en chef a même oublié ce qu’il n’avait jamais cessé de marteler depuis son entrée en fonction : son obsession d’un «redressement dans la justice». Le mot justice n’a pas (ou très peu) été prononcé.Et alors que la deuxième partie du quinquennat devait être celle de «la redistribution» ou du «partage des fruits d’une croissance retrouvée», Hollande lui a donné hier un autre nom : celle du «dépassement». On conviendra que la coloration du mot n’annonce pas de grands soirs sociaux.
L’ex candidat socialiste a même parfois donné l’impression d’abdiquer. Il n’a pas eu un mot pour la classe ouvrière ou les chômeurs. Il n’a même pas cherché à démontrer (et pourtant il y avait matière) qu’entre sa politique de rigueur et celle qui sévit aujourd’hui en Europe du Sud, il n’y a pas grand chose de comparable. Il a même laissé entendre que si le pouvoir d’achat a baissé, c’est bien à cause de lui. Sans même chercher à rappeler que l’effort réclamé aux plus aisés a tout de même été beaucoup plus lourd que celui demandé aux classes populaires et moyennes. «Il y a beaucoup de petites taxes, j’en conviens», a-t-il dit. Et d’ajouter : «J’ai toujours dit que sera difficile pour tout le monde.» Hollande n’aurait pas eu le choix : «sinon celui de laisser filer les déficits». Entre pouvoir d’achat et rétablissement des comptes publics, Hollande a toujours dit (y compris dans sa campagne) qu’il choisissait ce dernier. En tout cas dans l’ordre des priorités chronologiques. Ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est aujourd’hui c’est que le Président de la République ne cherche même plus à l’habiller avec des mots de gauche.
D'étranges échos sarkozystes
Là où le cas Hollande se corse, c’est que ses annonces d'hier avaient d'étranges échos sarkozystes. Alors que la gauche de la gauche appelle à une véritable politique de relance, Hollande répond par un choc de simplification des normes pour les entreprises. C’est-à-dire ce à quoi avait appelé Sarkozy dans la campagne. Autre emprunt à l’ex-Président: l’allègement de la fiscalité sur la transmission d’entreprise, ou encore le déblocage de la participation. A l’époque, la gauche s’amusait à railler un mesure révélatrice d’une impuissance. Aujourd’hui elle se retrouve au cœur du programme de leur Président. Enfin, Hollande a dessiné les contours d’une réforme des retraites. Et la droite (si elle était honnête) n’aurait rien à en redire. Sans grande surprise, il a préparé les esprits à un allongement de la durée de cotisation, compte tenu de l’allongement de la durée de la vie. Ce n’est pas une trahison à la gauche. Cela fait des années que la CFDT défend cette ligne. Le Parti socialiste s’y range maintenant doucement. Là où le chef de l’Etat a pu paraître décevant c’est qu’il n' a pas pris la peine d’expliquer à quoi pourrait ressembler une réforme des retraites de gauche. Certes, il ne touchera pas aux petites retraites. Mais ça aussi, Nicolas Sarkozy l’avait promis.
Finalement, Hollande a retrouvé des couleurs politiques quand il s’est mis à parler d’Europe. «Etre dans l’austérité, c’est condamner l’Europe à l’explosion (…). Aujourd’hui prolonger l’austérité, c’est prendre le risque de ne pas aboutir à réduire les déficits et la certitude d’avoir des gouvernements impopulaires, dont les populistes feront une bouchée le moment de venu.» C’était déjà ça. Mais en une heure et demi d’émission, c’est peu.