Avant de poster ma critique sur le nouveau film de François Ozon,
L'AMANT DOUBLE, je re-parcourais rapidement le sujet consacré à mon réalisateur français préféré du 21ème siècle...
Et, donc, j'annonce : pour changer, ça va être encore moins objectif que d'habitude !
D'autant plus que le frenchie se réfère ici à deux réalisateurs qui ont été exceptionnels (même si l'un d'eux est encore en activité, il n'est plus exceptionnel du tout). Pour résumer comme je l'ai fait sur Twitter hier après la séance : ça pourrait être du sous-Hitchcock ou du sous-Cronenberg, c'est plutôt du grand Ozon. Et même son film qui m'a le plus emballé depuis un moment.
Attention : c'est loin d'être parfait. Notamment la fin, qui, justement, peut laisser sur sa faim. La tentative d'explication avec twix est assez brumeuse. Et il n'est pas certain que tout se tienne rétrospectivement. Adaptant "librement" (on peut donc supposer qu'il le trahit dans les grandes largeurs) un roman mineur de
Joyce Carol Oates, Ozon se perd un peu dans les méandres de son scénario - et en dit soit trop, soit pas assez. Il aurait fallu rester dans la pure allégorie, sans chercher à rien expliquer; ou donner toutes les billes pour que plus aucun doute ne subsiste.
Bref, Ozon-scénariste a manqué de confiance en ses spectateurs.
Ce n'est pas bien grave, parce que Ozon-réalisateur s'est surpassé, lui !
Des deux grands maîtres du passé cités plus haut, il reprend la maîtrise visuelle et la capacité à distiller une atmosphère de malaise constant qui prend aux tripes. Fidèle à l'idée que la destination compte finalement moins que le voyage, Ozon nous embarque dans un trip malsain complètement tordu, sans cesse intriguant, angoissant, mystérieux... Il avait déjà payé son tribut à
Hitchcock avec
Une Nouvelle Amie, mais il pousse ici encore plus loin la référence. Pas une scène, par exemple, où n'apparaissent des miroirs, des reflets, des vitres, dans une mise en abyme constante de l'état des personnages, à l'image de la mise en scène du gros Alfred dans
Vertigo. Par cette réalisation plus ostentatoire que jamais (qui rapproche Ozon, dans ses excès, de
Brian de Palma, qui le premier a emporté l'hommage hitchcockien vers ces sommets de perversité), le réalisateur s'aventure sur des chemins rares dans le cinéma français. Le film assume totalement son artificialité, ses aspects cinématographiques, s'assimile toujours au pur fantasme sans aucune prise sur la réalité.
De
Cronenberg, il y a le plus évident : le rapprochement de cette histoire de jumeaux mystérieux avec son chef d'oeuvre
Faux Semblants. Et le moins visible : faire de ces jumeaux des psychiatres et non des gynécologues n'est en rien une manière de brouiller les pistes, tant les détails gynécologiques annexes à l'histoire sont importants. Dans un film qui s'ouvre, quand même, sur une chatte en gros plan lors d'un examen chez le médecin (là, on se dit que ça commence fort) ! Surtout, Ozon s'amuse sans cesse à brouiller les pistes et estomper la frontière entre le réel et l'imaginaire, à la manière du réalisateur canadien tout au long de sa filmographie. On pense aussi pas mal à
Crash pendant le visionnage...
(et là, je sens Diane révulsée : Faux Semblants, Crash... que du bon !
)
Et, justement, l'autre aspect très Cronenbergien (ou De-Palmesque) du film - qui aurait été hitchcockien aussi, si celui-ci avait pu laisser libre cours à ses délires sexuels au lieu de les refouler aussi génialement - c'est le traitement des scènes de cul. A l’annonce du "film le plus sexuel de François Ozon", je me disais que ça risquait d'envoyer du bois dans ce domaine; vu qu'on ne peut pas dire qu'il se gêne habituellement de ce côté là. Et bien, en effet, les scènes de baise sont bien corsées ! Mais jamais dans la provocation inutile ; ce n’est pas juste histoire de balancer du sexe comme on en voit rarement à l'écran. Le film étant aussi une histoire de passion(s) sexuelle(s), il est simplement logique de montrer frontalement ce qui se passe lorsque les personnages s'y adonnent. Mais, là encore comme chez le canadien, le sexe dans le film n'est pas du sexe heureux; il transpire les fantasmes malsains, la violence, le désespoir et les frustrations (ce qui n'empêche pas certaines scènes d'être bandantes).
Un dernier mot (enfin, deux) :
Marine Vacht et
Jeremie Rénier sont fabuleux. Et la musique du fidèle
Philippe Rombi, au diapason du film, n’a jamais été si fascinante et inquiétante.
Malgré la légère frustration d’une fin illustrant idéalement l’expression « j’ai rien compris à ce film », c’était mortel !