Après la tornade émotionnelle
Alabama Monroe (m'en suis toujours pas remis...), je n'allais certainement pas louper le nouveau film du belge
Felix Van Groeningen :
BELGICAOn est là dans un registre totalement différent : c'est l'histoire de deux frères un peu losers qui décident de créer une boîte de nuit "hédoniste" sans règles et sans sélection, ouverte à toutes les musiques, à tout le monde, bobos comme paumés, où le maître-mot semble être l'excès en tout genre (alcool, drogue, sexe, bruit et fête). Evidemment, ce qui ressemble au départ à une petite utopie hors du temps va vite se retrouver corrompu et rattrapé par les contingences du réel.
Il reste quelques éléments de mélodrame familial rappelant le film précédent du réalisateur, mais on est bien plus ici dans une chronique de la vie la nuit, avec sa faune bigarrée et ses folies. Pas loin aussi, parfois, du film "Rise & Fall" à la
Scorsese ou
De Palma. Mais le réalisateur ne perd jamais ses personnages de deux frères qui ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre, mais ne peuvent pas travailler ensemble non plus. La faute, surtout, à l'un d'eux - impulsif, alcoolique et drogué, mauvais père, mauvais mari trompant sa femme à tour de bite. Et pourtant loin d'être monolithique. Comme dans son film précédent (et aussi dans
La Merditude des Choses, que j'avais moins aimé que les deux autres), le réalisateur porte un regard tendre sur ses personnages, malgré toutes les tares qu'ils peuvent aligner. Et ceux-ci sont portés par deux superbes acteurs. Le seconds rôles - notamment les femmes, qui n'ont pas la vie facile dans ce monde d'hommes - sont tous excellents, aussi.
Ce qu'il y a de mieux, dans le film, ce sont bien sûr toutes les scènes de soirées, nombreuses, bruyantes, puissantes, euphoriques. Des scènes comme autant de morceaux de bravoure démentiels, dans un maelstrom furieux de musique (forte) de lumières (stroboscopiques) et d'effets (visuels). Rarement on aura vu aussi bien retranscrites à l'écran la fièvre festive de soirées en club. La bande originale pète dans tous les sens, et les frères musiciens de
Soulwax s'en sont donné à coeur joie dans tous les registres (techno, rock, punk, dance, ou même musique de fanfare !).
On ressortira épuisé de ces deux heures de spectacle intense, si la conclusion douce-amère en deux temps (autour de chacun des deux frères) ne venait pas nous cueillir, et faire naître une émotion qui manquait un peu auparavant (surtout si on compare au film précédent de Félix). Toute la dernière partie du film mène en fait vers cette conclusion où se mêlent rédemption et abandon du rêve - les derniers plans de chacun des deux destins sont terrassants, dans une optique différente. Et on peut alors constater à quel point il est construit intelligemment. Et se révèle tout aussi profond que
Alabama Monroe, sous des atours plus clinquants et plus passe-partout.
Encore une belle réussite pour le réalisateur !